Ces inoubliables films westerns projetés à la salle Mercadal
(D'après les souvenirs de Mahmoud Boussoussa)
Nouvelle page mise sur le site le 9 janvier 2009
Retour Bouzaréah

Le 29 décembre 1951, mes parents accompagnés de leurs enfants, quittèrent le douar Sahel, situé dans la commune de Ziama-Mansouriah, à une cinquantaine de kilomètres à l'est de Bougie, pour se rendre à Bouzaréah, sur les hauteurs d'Alger. J'avais, à cette époque, sept ans et demi. Au moment du départ, l'ambiance était morose, triste, difficile à décrire…
Une fois installés à Bouzaréah, plus exactement au quartier du Clos Saint-Lucien, à quelques pas de l'école annexe de l'ENIB, les membres de ma famille commencèrent alors à s'habituer à leurs nouveaux modes de vie citadine.
On fit la connaissance des habitants du voisinage, en majeure partie des Français, parmi lesquels je citerai les Iboura, Marti, Assaya, Marsan… Dans ce même quartier, il n'y avait en tout et pour tout que quatre familles musulmanes : les Benouiniche, Ouaerezki, Zouaoui et la nôtre. Plus bas, à deux kilomètres du village de Bouzaréah, plus précisément à Air de France, c'étaient les Djaffer qui possédaient pas très loin de la rue du Bourbonnais une centrale laitière nommée Soladif.
Cela m'amène à évoquer les anciennes familles (autochtones) vivant à Bouzaréah [1] et Air de France, dont la majorité était d'origine turque.
Il s'agit notamment des Tchikken [ou Tchékiken, propriétaire de la manufacture de cigarettes "Match"] qui avaient un magnifique château [2] à Bouzaréah centre, à quelques mètres du café-restaurant "Dar-el-Alia".
Venaient ensuite les Guellati propriétaires d'un immense dépôt de matériaux de construction. Il y avait également la famille des Djennadi dits "Kéramane" dont Dahmane qui assurait, à bord de son minibus dénommé le "Petit Montagnard", la liaison entre La Tribu et la place Dutertre à Bab-el-Oued en passant par le Village Céleste et Sidi Ben Nour.
Dans ce même quartier de La Tribu vivait la famille Boulendjas et, à quelques mètres de la Mairie, il y avait les Benmalek dont Hamed qui était instituteur à l'école du village située juste derrière la Poste.
Enfin la famille Ghiat qui possédait en face de la place de Bouzaréah une épicerie [3] où la clientèle pouvait trouver tout ce dont elle avait besoin : les denrées alimentaires telles que semoule, farine, concentré de tomates, huile de table "Lesieur", fromages ; les articles de toilette, les détergents et même de petits paquets de charbon… Les clients ayant un emploi et habitant à Bouzaréah pouvaient même acheter à crédit.
Aujourd'hui, ces cartes de crédit ont disparu…
A proximité de ce magasin d'alimentation générale, se trouvait une Brasserie tenue par le couple Mercadal. Je cite cela, parce que juste derrière ce café, il y avait une salle de cinéma où étaient projetés tous les samedis et dimanche après-midi, exactement à 15 heures, des films westerns [4 ]pour la modique somme de 200 centimes à l'orchestre et 250 centimes au balcon. qui eut un énorme succès, et quelques célèbres comédies musicales américaines.
Le premier film que j'avais vu, le 30 juin 1958, à l'occasion de mon succès au Certificat d'Etudes Primaires fut "La chevauchée fantastique" [de 1939] avec John Wayne comme acteur principal. La semaine suivante, les spectateurs avaient eu droit à la projection de "Rivière rouge" [de 1948] dont le premier rôle était tenu par le même John Wayne.
C'est à partir de cette date que je suis devenu amateur de cinéma et particulièrement des films westerns. J'ai, au fil des semaines, chaque dimanche après-midi, assisté à la projection de pas moins d'une vingtaine de films parmi les quels "Le train sifflera trois fois" [de 1952], avec Gary Cooper "La flèche brisée" [de 1950] et "Les sept mercenaires" [de 1960] dont l'acteur principal était Yul Brynner.
D'autres acteurs tels Randolph Scott, James Stewart, Robert Mitchum, Burt Lancaster, Kirk Douglas, Richard Widmark, Audie Murphy, Charles Bronson, Henry Fonda… ont également tenu des rôles de premier plan dans ces films. C'était "l'âge d'or" des westerns aux USA durant la décennie 1950-60. La majeure partie de ces films était tournée au Nevada, au Kansas, en Oklahoma, etc. Les principales séquences étaient axées sur des combats entre cow-boys et indiens peaux-rouges, entre bandits et représentants de la Loi, dont le chef était le sheriff du comté. Bref, des films d'action qui étaient si agréables à voir…
Juste en face de la Brasserie du Centre de Bouzaréah, il y avait jadis, un petit parc agrémenté d'arbres de diverses essences [5]. Les personnes âgées venaient s'y reposer à tout moment de la journée, particulièrement durant les saisons d'été et de printemps. A proximité de ce jardin public, il y avait le terminus des trolleybus (à perches) des C.F.R.A., remplacés quelques années plus tard par les cars de la R.D.T.A. de la ligne numéro 6, reliant Bouzaréah centre à la Place du Gouvernement en passant par Air de France, le parc de Miremont, Chevalley, Châteauneuf, la Scala, les Tagarins, le boulevard de la Victoire, Montpensier Cadix et enfin la rue de la Lyre.

[1] Certaines de ces familles vivent toujours à Bouzaréah et quelques membres sont déjà inscrits sur la liste des "retrouvés".

[2] Francis Arbona se souvient que cette demeure était une grande et belle villa toute blanche, avec une grande pergola, dominant la baie d'Alger.

[3] D'après des photos récentes de l' "immeuble Mercadal", l'épicerie existe toujours.


[4] Le cinéma Mercadal ne projetait pas uniquement des films de westerns. Il y avait aussi une clientèle fidèle pour les grands classiques du cinéma comme la trilogie de Pagnol : Marius [de 1931], Fanny [de 1932] et César [de 1936].

[5] Francis Mercadal se souvient plutôt que, dans les années 40, la place, avec son kiosque à musique au milieu, était revêtue de tuf et ombragée par quelques platanes. Au début des années 50, la place avait été transformée et la salle des fête construite sous la place côté ravin.


Retour haut de page