De l'école communale de Bouzaréah à l'E.N.P.A de Tunis
(D'après les souvenirs de Mahmoud Boussoussa)
Dernière mise à jour le 18 octobre 2009
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Après que nous eûmes quitté le douar Sahel à Ziama-Mansouriah, village situé à une cinquantaine de kilomètres à l'est de Bougie, et élu domicile à Bouzaréah sur les hauteurs d'Alger, mon défunt père avait un seul souci en tête : m'inscrire à l'école communale. Ce n'était pas chose aisée car, à cette époque, j'avais huit ans et demi, soit un retard de deux ans et demi par rapport à l'âge requis (6 ans). Que faire ?
Le chef de l'établissement où je devais être inscrit demanda alors à mon père de lui présenter un document prouvant qu'il était employé au Lycée de Ben-Aknoun. Il ne l'avait pas sur lui ce jour-là, mais, le lendemain, il s'empressa de remettre la pièce demandée (attestation de travail) au directeur de l'école, Monsieur Champo. "D'accord, Monsieur Saïd, on accepte bien volontiers votre fils dans notre établissement. J'espère qu'il sera un bon élève !". "Si Dieu le veut", lui répondit mon père, tout content d'être parvenu enfin à m'inscrire dans cette fameuse école communale en préfabriqué située à Bouzaréah centre, juste derrière la poste. C'était le 30 septembre 1952.
Après avoir suivi les classes de cours préparatoire, j'étais muté dans un autre établissement nouvellement construit [1] : l'école annexe de l'Ecole Normale d'Instituteurs de Bouzaréah, située à quelques pas de chez moi.
Au mois d'octobre 1955, nous étions en classe de cours élémentaire 2ème année, chez Monsieur Gomez, un instituteur qui assumait sa tâche convenablement. C'était un homme très brave, respectueux et respectable. De temps à autre, généralement au printemps, il nous organisait des sorties à travers les monts de Bouzaréah avec, sur le chemin du retour, des "escales" au restaurant "Dar el Alia" pour siroter une limonade toute fraîche de marque Vérigood, Crush ou Orangina. Ces boissons nous étaient offertes par la gérante de l'établissement Madame Olivier [2], mère d'un camarade de classe.
C'était une autre époque…
Dès que les compositions du troisième trimestre étaient terminées, les élèves s'adonnaient durant tout le mois de juin, aux jeux de noyaux (d'abricots) dans la vaste cour de l'école avant de partir en vacances dès le 1er Juillet. La dernière semaine avant de quitter l'établissement, les élèves ne s'arrêtaient pas de scander la célèbre chanson "Gai, gai l'écolier, c'est demain les vacances !". L'année scolaire 1955-56 a pris fin par des résultats encourageants avec la mention suivante sur mon livret scolaire : "Résultats satisfaisants. Admis en classe supérieure".
Au mois d'octobre 1956, nous étions en cours moyen 1ère année. Notre instituteur était Monsieur Codoul. Il était farouchement opposé au favoritisme. Ce qui comptait le plus pour lui, c'était le travail et l'abnégation. Aux élèves les plus studieux il distribuait des "bons points" et des images. Il nous lisait souvent un texte qui lui tenait tellement à cœur intitulé : "Près du mont Saint-Michel".
L'année scolaire suivante (1957-58) je me suis présenté aux épreuves du Certificat d'Etudes Primaires, examen auquel j'ai réussi avec brio le 12 juin 1958. C'était le premier diplôme que j'avais acquis. C'était aussi un évènement car, à cette époque, j'étais l'unique dans toute ma famille, à décrocher un tel titre.
Après cette longue année de dur labeur et le succès au C.E..P, j'ai eu droit à passer un mois de vacances au bord de la mer chez un proche parent habitant au Rocher Noir.
A la fin de septembre 1958, muni de mon diplôme, je me suis inscrit en classe de 5ème dans un collège privé d'enseignement général à Saint-Eugène, dont le directeur était Monsieur Lagarde un ancien combattant de la première guerre mondiale. [ … ] J'ai poursuivi mes études au sein de ce collège jusqu'à la classe de 3ème et quittai Saint Eugène le 30 juin 1961, après avoir fait mes adieux à Monsieur Lagarde, aux professeurs et même aux habitants de ce quartier. [ … ] Certains élèves qui avaient eu de bons résultats scolaires se sont inscrits avec moi, à la fin septembre 1961, au Lycée Moderne [3] situé au niveau de la rue Sadi-Carnot, face au Foyer de Cheminots, à mi chemin entre le Champ de Manoeuvres et la Grande Poste. Je fus inscrit en classe de seconde, série "Lettres" car mes notes obtenues à l'examen du B.E.P.C. étaient meilleures que celles obtenues en mathématiques ou en physique-chimie.
Parmi les nombreux romans figurant au programme scolaire de notre classe, il y avait "Le Médecin de Campagne" de Balzac, "Les Misérables" de Victor Hugo, "La Chartreuse de Parme" de Stendhal, "La Tentation" de Flaubert, "L'Esprit des Lois" de Montesquieu, et "Les Chemins de la Liberté" de Jean-Paul Sartre.
Le 15 septembre 1962, je me suis présenté au concours d'entrée en 1ère année de l'Ecole Normale d'Instituteurs de Bouzaréah (E.N.I.B.) dont le directeur était à l'époque, Monsieur Henri Dini. [ … ] Le régime appliqué dans cet établissement était l'internat. Les élèves-maîtres ne pouvaient rentrer chez eux que pendant les week-ends (du samedi à 14 heures jusqu'au dimanche à 19 heures). Toutes les fournitures ainsi qu'une blouse, de couleur noire, leur étaient remises gracieusement par l'administration de l'école. En plus des programmes d'enseignement - de la première à la troisième année - les Normaliens suivaient des cours de jardinage, travaux manuels, dessin et également la musique. La quatrième année était exclusivement réservée aux stages pratiques que j'effectuai à l'école annexe toute proche.
Au plan sportif, en plus d'une vaste salle de gymnastique, il y avait quatre stades respectivement de football, volley-ball, handball, et basket-ball ainsi que deux courts de tennis. L'Ecole Normale disposait en outre, d'un immense jardin où étaient cultivés divers légumes dont avait besoin le chef-cuisinier, le regretté Smaïl Megnouche qui était si sympathique, si brave, si généreux. Tous les élèves-maîtres ayant suivi leurs études au sein de cet établissement durant la période s'étalant de 1950 à 1962, gardent de lui les meilleurs souvenirs.
Et après avoir passé deux années à l'E.N.I.B., j'ai pu obtenir, au mois de septembre 1964, une bourse afin de suivre des études à l'Ecole Normale de Professeurs-Adjoints de Tunis. [ … ]

[1] Jusqu'à la construction et la mise en service de ces nouveaux bâtiments, vers 1952 ou 1953, l'école annexe était hébergée dans une aile de l'Ecole Normale d'Instituteurs de Bouzaréah (voir, sur le site, sur les photos de classe de cet établissement, les différences d'arrière-plans avant et après 1953.

[2] Madame Olivier avait très probablement pris la direction et gérance de cet établissement, à la suite de Madame Albert précédente propriétaire du Céleste Hôtel Albert, rebaptisé Dar el Alia, appelé sur certains documents Dar el Aalia ou encore Dar el Halia (voir les pages du site consacrées à cet établissement)

[3] L'appellation exacte de cet établissement privé, situé 2 rue Edmond Adam, était "Cours Moderne". Il était dirigé par Monsieur Armand Bonnefoi, qui avait été adjoint au maire de Dély-Ibrahim. La rue Edmond Adam était une petite rue en impasse, terminée par des escaliers, qui reliait la rue Hoche au boulevard Victor Hugo.


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