Après que nous eûmes
quitté le douar Sahel à Ziama-Mansouriah, village situé
à une cinquantaine de kilomètres à l'est de Bougie,
et élu domicile à Bouzaréah sur les hauteurs d'Alger,
mon défunt père avait un seul souci en tête : m'inscrire
à l'école communale. Ce n'était pas chose aisée
car, à cette époque, j'avais huit ans et demi, soit un retard
de deux ans et demi par rapport à l'âge requis (6 ans). Que
faire ?
Le chef de l'établissement où je devais être inscrit
demanda alors à mon père de lui présenter un document
prouvant qu'il était employé au Lycée de Ben-Aknoun.
Il ne l'avait pas sur lui ce jour-là, mais, le lendemain, il s'empressa
de remettre la pièce demandée (attestation de travail) au
directeur de l'école, Monsieur Champo. "D'accord, Monsieur
Saïd, on accepte bien volontiers votre fils dans notre établissement.
J'espère qu'il sera un bon élève !". "Si
Dieu le veut", lui répondit mon père, tout content
d'être parvenu enfin à m'inscrire dans cette fameuse école
communale en préfabriqué située à Bouzaréah
centre, juste derrière la poste. C'était le 30 septembre
1952.
Après avoir suivi les classes de cours préparatoire, j'étais
muté dans un autre établissement nouvellement construit
[1] : l'école annexe de l'Ecole Normale d'Instituteurs de Bouzaréah,
située à quelques pas de chez moi.
Au mois d'octobre 1955, nous étions en classe de cours élémentaire
2ème année, chez Monsieur Gomez, un instituteur qui assumait
sa tâche convenablement. C'était un homme très brave,
respectueux et respectable. De temps à autre, généralement
au printemps, il nous organisait des sorties à travers les monts
de Bouzaréah avec, sur le chemin du retour, des "escales"
au restaurant "Dar el Alia" pour siroter une limonade toute
fraîche de marque Vérigood, Crush ou Orangina. Ces boissons
nous étaient offertes par la gérante de l'établissement
Madame Olivier [2], mère d'un camarade de classe.
C'était une autre époque
Dès que les compositions du troisième trimestre étaient
terminées, les élèves s'adonnaient durant tout le
mois de juin, aux jeux de noyaux (d'abricots) dans la vaste cour de l'école
avant de partir en vacances dès le 1er Juillet. La dernière
semaine avant de quitter l'établissement, les élèves
ne s'arrêtaient pas de scander la célèbre chanson
"Gai, gai l'écolier, c'est demain les vacances !".
L'année scolaire 1955-56 a pris fin par des résultats encourageants
avec la mention suivante sur mon livret scolaire : "Résultats
satisfaisants. Admis en classe supérieure".
Au mois d'octobre 1956, nous étions en cours moyen 1ère
année. Notre instituteur était Monsieur Codoul. Il était
farouchement opposé au favoritisme. Ce qui comptait le plus pour
lui, c'était le travail et l'abnégation. Aux élèves
les plus studieux il distribuait des "bons points" et des images.
Il nous lisait souvent un texte qui lui tenait tellement à cur
intitulé : "Près du mont Saint-Michel".
L'année scolaire suivante (1957-58) je me suis présenté
aux épreuves du Certificat d'Etudes Primaires, examen auquel j'ai
réussi avec brio le 12 juin 1958. C'était le premier diplôme
que j'avais acquis. C'était aussi un évènement car,
à cette époque, j'étais l'unique dans toute ma famille,
à décrocher un tel titre.
Après cette longue année de dur labeur et le succès
au C.E..P, j'ai eu droit à passer un mois de vacances au bord de
la mer chez un proche parent habitant au Rocher Noir.
A la fin de septembre 1958, muni de mon diplôme, je me suis inscrit
en classe de 5ème dans un collège privé d'enseignement
général à Saint-Eugène, dont le directeur
était Monsieur Lagarde un ancien combattant de la première
guerre mondiale. [
] J'ai poursuivi mes études au sein de
ce collège jusqu'à la classe de 3ème et quittai Saint
Eugène le 30 juin 1961, après avoir fait mes adieux à
Monsieur Lagarde, aux professeurs et même aux habitants de ce quartier.
[
] Certains élèves qui avaient eu de bons résultats
scolaires se sont inscrits avec moi, à la fin septembre 1961, au
Lycée Moderne [3] situé au niveau de la rue Sadi-Carnot,
face au Foyer de Cheminots, à mi chemin entre le Champ de Manoeuvres
et la Grande Poste. Je fus inscrit en classe de seconde, série
"Lettres" car mes notes obtenues à l'examen du B.E.P.C.
étaient meilleures que celles obtenues en mathématiques
ou en physique-chimie.
Parmi les nombreux romans figurant au programme scolaire de notre classe,
il y avait "Le Médecin de Campagne" de Balzac,
"Les Misérables" de Victor Hugo, "La Chartreuse
de Parme" de Stendhal, "La Tentation" de Flaubert,
"L'Esprit des Lois" de Montesquieu, et "Les Chemins
de la Liberté" de Jean-Paul Sartre.
Le 15 septembre 1962, je me suis présenté au concours d'entrée
en 1ère année de l'Ecole Normale d'Instituteurs de Bouzaréah
(E.N.I.B.) dont le directeur était à l'époque, Monsieur
Henri Dini. [
] Le régime appliqué dans cet établissement
était l'internat. Les élèves-maîtres ne pouvaient
rentrer chez eux que pendant les week-ends (du samedi à 14 heures
jusqu'au dimanche à 19 heures). Toutes les fournitures ainsi qu'une
blouse, de couleur noire, leur étaient remises gracieusement par
l'administration de l'école. En plus des programmes d'enseignement
- de la première à la troisième année - les
Normaliens suivaient des cours de jardinage, travaux manuels, dessin et
également la musique. La quatrième année était
exclusivement réservée aux stages pratiques que j'effectuai
à l'école annexe toute proche.
Au plan sportif, en plus d'une vaste salle de gymnastique, il y avait
quatre stades respectivement de football, volley-ball, handball, et basket-ball
ainsi que deux courts de tennis. L'Ecole Normale disposait en outre, d'un
immense jardin où étaient cultivés divers légumes
dont avait besoin le chef-cuisinier, le regretté Smaïl Megnouche
qui était si sympathique, si brave, si généreux.
Tous les élèves-maîtres ayant suivi leurs études
au sein de cet établissement durant la période s'étalant
de 1950 à 1962, gardent de lui les meilleurs souvenirs.
Et après avoir passé deux années à l'E.N.I.B.,
j'ai pu obtenir, au mois de septembre 1964, une bourse afin de suivre
des études à l'Ecole Normale de Professeurs-Adjoints de
Tunis. [
]
[1] Jusqu'à la construction
et la mise en service de ces nouveaux bâtiments, vers 1952 ou 1953,
l'école annexe était hébergée dans une aile
de l'Ecole Normale d'Instituteurs de Bouzaréah (voir, sur le site,
sur les photos de classe de cet établissement, les différences
d'arrière-plans avant et après 1953.
[2] Madame Olivier avait très probablement pris la direction et
gérance de cet établissement, à la suite de Madame
Albert précédente propriétaire du Céleste
Hôtel Albert, rebaptisé Dar el Alia, appelé sur certains
documents Dar el Aalia ou encore Dar el Halia (voir les pages du site
consacrées à cet établissement)
[3] L'appellation exacte de cet établissement privé, situé
2 rue Edmond Adam, était "Cours Moderne". Il était
dirigé par Monsieur Armand Bonnefoi, qui avait été
adjoint au maire de Dély-Ibrahim. La rue Edmond Adam était
une petite rue en impasse, terminée par des escaliers, qui reliait
la rue Hoche au boulevard Victor Hugo.
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