BOUZARÉAH - L'Hôtel Albert
Dernière mise à jour le 25 mars 2020
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Vers le Livre d'Or de l'Hôtel Albert

Pierre MORTON a bien voulu nous confier ces précieux documents familiaux sur l'Hôtel Albert, qui avait été tenu par sa grand-mère, et nous a transmis ce texte

De Gençay à l’hôtel Albert, une Poitevine à Bouzaréah
par Pierre Morton (août 2010)

Ma grand-mère paternelle, Mélanie RABARDEAU est née le 31 janvier 1888 à Gençay (Vienne). Elle est fille de RABARDEAU Pierre, maçon, et de PUISSESSEAU Eugénie. Sa maison natale existe toujours à Gençay et est encore habitée par un membre de la famille, une cousine germaine de mon père.
Après une enfance semble-t-il sans histoires, elle se marie le 20 avril 1909 à Poitiers avec Roger MORTON, garçon boucher. De leur union est issu mon père, Edgard MORTON, né le 26 juin 1910.à Poitiers. Au cours de la guerre de 1914, Mélanie s’engage comme ambulancière, son mari étant lui-même mobilisé. Mon père est alors en garde chez un frère de ma grand-mère à Gençay.
D’après quelques confidences familiales difficiles à obtenir, ah ! les secrets de famille, le couple n’est pas des plus solides et le divorce est prononcé le 27 juillet 1920 pour abandon du domicile conjugal aux torts de mon grand-père.

Jusque là, l’histoire est bien banale. En réalité, la vraie vie de ma grand-mère commence.
En effet, nous la retrouvons à Alger, où elle épouse Joanet ALBERT le 17 décembre 1923. Joanet est né le 8 avril 1867 à Collonges-la Rouge, en Corrèze. Il a lui-même été marié et est divorcé.
Comment se sont-ils connus et où ? Peut-être au cours de la guerre de 1914 ? Malheureusement à ce jour, je n’ai pas de réponse, ma grand-mère n’en parlant jamais.
A sa démobilisation en 1919, Joanet, avait été brièvement restaurateur à la Colonne Voirol, avant d'ouvrir, le 1er octobre 1920, sur les hauteurs d’Alger, à la Bouzaréah, un restaurant de luxe, une grande villa de style mauresque au cœur d’un grand parc planté d’eucalyptus : l’Hôtel Céleste (ou Dar El Alia, ou hôtel Albert). Ma grand-mère, presque du jour au lendemain, passe du rang de simple domestique à celui d’hôtesse adulée comme en témoignent les hommages qui lui sont rendus sur les Livres d’Or de l’Hôtel Céleste qui sont en ma possession (et dont certaines pages sont reproduites sur ce site).
Écho d'Alger du 23 novembre 1917 Écho d'Alger du 23 mai 1920 Écho d'Alger du 18 septembre 1920
Cet établissement reçoit de nombreux touristes étrangers fortunés de diverses nationalités (américains, anglais, hollandais, japonais...) et également des personnalités françaises de l’époque venant d’horizons divers :
- des industriels comme André CITROEN, accompagné du général ESTIENNE – le père des chars – à leur retour de la première traversée du Sahara en automobile, Louis DELAGE, constructeur automobile, King C. GILLETTE, le roi du rasoir, canadien d’origine française…
- des peintres, notamment des peintres orientalistes, dont certains étaient pensionnaires de la Villa Abd-el-Tif, fondation nationale semblable à la Villa Médicis à Rome ou la Casa Vélasquez à Madrid, NOIRÉ, DEVAL, ROCHEGROSSE, GEILLE de SAINT-LEGER, SEGOND-WEBER, Eugène DESHAYES qui lui dédicacera deux tableaux…
- des artistes de variétés, Maurice CHEVALIER et sa compagne de l’époque Nita RAYA, DAMIA, MISTINGUETT, Félix MAYOL, GEORGEL…
- des politiques, le contre-amiral François DARLAN qui deviendra vice-Président du Conseil puis Chef du Gouvernement, Charles de GALLAND, maire d’Alger qui laissera aux Algérois un superbe parc…
Je pourrais citer encore de nombreux noms, mais tel n’est pas l’objet de cet article.
Après le décès de Joanet Albert, le 19 octobre 1924, Mélanie continue l'exploitation de l'hôtel d'abord seule puis avec l'aide de son troisième mari, Henri BECUS.
Avis de décès Joanet Albert et nécrologie parus dans l'Echo d'Alger du 10 octobre 1924

Malheureusement, la deuxième (et espérons le, la dernière ) guerre mondiale met fin à cette belle aventure en tarissant l’arrivée des touristes. L'Hôtel Céleste fut pendant quelques temps, une base de repos de l’état-major américain.
En 1943, ma grand-mère cesse l’exploitation de l’Hôtel Céleste et se retire dans une villa juste en face du parc de l’hôtel.
Cette villa comportait un grand jardin avec trois grands eucalyptus. J'en ignore l'adresse, je me demande même s'il y en avait une à l'époque. Son voisin le plus proche se nommait GINESTIER et était couturier à Alger. Plus loin dans cette même petite rue (presque un chemin) résidait un professeur de français/latin qui se nommait Monsieur BERNARD. Il avait une fille qui était née vers 1938. Il y avait aussi la maison du Docteur Dumazer dont la fille s'appelait Aurore.
Encore un peu plus loin, était la propriété dans laquelle Messali Hadj était en résidence surveillée. Je me souviens qu'au cours de ses promenades, entouré de ses gardes du corps, il s'entretenait quelques instants avec ma grand-mère.
Elle décèdera en 1961et repose dans le cimetière de Bouzaréah, son village d’accueil auquel elle était très attachée. Mais elle n’avait pas pour autant oublié ses origines poitevines et retournait régulièrement à Gençay pour y revoir sa famille et ses amis pour qui elle était "Rachel", un prénom qu’elle n’a jamais eu à l’état-civil.

Je recherche pour compléter l’histoire de ma grand-mère, tous les témoignages ou documents la concernant. Merci de votre aide.
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Lourdes sanctions, pour infractions à la règlementation et les prix, prises à l'encontre de plusieurs restaurants dont celui de l'Hôtel Albert et de son gérant Henri BECUS, résultant probablement du souci du restaurateur de contourner les règlements pour satisfaire ses clients en cette période de pénurie et de rationnement. Il est vraisemblable que cette sanction de fermeture du restaurant pendant une période de 6 mois soit à l'origine de la vente de l'Hôtel Albert et de son changement de nom en Dar el Aalia (Echo d'Alger du 14 juin 1944)
La carte menu du Céleste Hôtel Albert
On peut y lire les trois appellations de l'hôtel : Céleste Hôtel, Hôtel Albert et Dar El Aalia ("la Maison Sublime", en arabe également en haut de la page)
Sur le perron de l'Hôtel Albert, Madame Albert et son troisième mari, Monsieur Henri BECUS, entourés d'un groupe de clients ou d'amis Monsieur Albert
"oh nuit étoilée... oh céleste..."
Madame Albert devant la cheminée orientale de l'hôtel
(voir la carte postale)
Deux vues du salon du Céleste Hôtel Albert avec la cheminée orientale

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