LE
BAIN DE LA REINE
Une reine a vécu à
Bouzaréah. Hé oui ! Vous avez bien lu.
C'était avant l'arrivée des Français. Un peuple de
pirates avait organisé, depuis des siècles, un commerce
prospère basé sur l'arraisonnement des bateaux croisant
en Méditerranée, la prise d'otages avec la perception de
rançons importantes et le commerce des esclaves. Malgré
plusieurs bombardements déclenchés par les Français,
par les Anglais et même par les Américains, les pirates restaient
toujours très actifs au début du dix-neuvième siècle
Les plus gradés, les plus riches de ces bandits de la mer installés
à Alger, possédaient très souvent une "maison
de plaisance" pour se reposer, abriter leur famille et mettre à
l'abri leurs captifs les plus précieux. Evidemment la plupart de
ces "maisons de plaisance" étaient construites à
proximité de la ville, dans les coins les plus agréables,
et donc tout naturellement sur les hauteurs de la cité barbaresque,
dans le massif de "La Bouzaréah". Des vues magnifiques
sur la baie, une douce brise venant souvent tempérer les grosses
chaleurs des étés parfois torrides, la fraîcheur des
vallons à l'ombres des grands arbres, voilà ce qui poussait
les pirates à venir construire leurs belles demeures dans les collines
de Bouzaréah.
On ne remerciera jamais assez Michèle Carli, de la propriété
Roure-Aguillon, qui, grâce à ses souvenirs et aux archives
de sa famille, nous a raconté l'histoire du "Bain de la Reine".
Un site exceptionnel, situé dans un creux de la propriété
en contre-bas de la maison qu'elle habitait avec madame Renaux, sa grand-mère,
en 1962.
Voici donc l'histoire du "Bain de la Reine".
La "maison de plaisance" située en contre bas de celle
de Michèle Carli, était déjà en ruine dans
les années 50. C'était pour tous ceux qui habitaient dans
cette partie du massif, "la Maison des Pirates". En observant
ce qui en restait en 1960, on pouvait l'imaginer au temps de sa splendeur
: magnifique, d'une architecture arabo-andalouse très subtile spécialité
des Maures venant d'Espagne, entourée de jardins fleuris et odorants,
avec des intérieurs superbement dessinés et décorés.
Une famille de pirates vivait là quand un beau jour, le raïs
(capitaine en arabe) découvrit parmi ses captives une jolie jeune
fille que les autres appelaient Princesse. Tombé fou amoureux de
la future reine, et aussi pour la protéger de ses envieux collègues
pirates, il l'installa dans sa "maison de plaisance" en attendant
de décider sur son sort. Pour le bien-être de sa belle esclave,
il fit aménager près du ru qui courrait en bas de sa maison,
un petit bassin peu profond taillé dans la pierre, et alimenté,
pour le bain de ses esclaves et de sa reine, par un puits tout proche
de la grotte abritant cette grande baignoire. Les environs, envahis du
parfum des arums poussant au bord des chemins, étaient couverts
de jujubiers, de néfliers et de lentisques et offraient à
la reine et à ses protecteurs d'innombrables buts de promenades
leur permettant d'aller admirer le panorama de la baie ou de se reposer
à l'ombre des grands pins.
Ce que fut la suite de la vie de notre reine après son séjour
à Bouzaréah, c'est bien sûr un mystère qui
ne sera vraisemblablement jamais élucidé.
Ce qui serait fort intéressant aujourd'hui, c'est de pouvoir constater
l'état du "Bain de la Reine" et de la "Maison des
Pirates" . S'il y a encore quelque chose à voir, quelques
photos seraient même les bienvenues.
* Sources bibliographiques :"D'Icosium à El Djezaïr"
de GeorgesMercier.
Origines de la propriété Roure-Aguillon.
Propriétaires successifs :
1891 : Roure-Aguillon
1890 : Zinger
1885 : Capella Diego
1877 : Mongellas
1839 : Defrain
1838 : Lecharllard et Quidorma
1834 : Noblot
1831 : Decamp (a cquisition de M.Decamp suivant acte reçu par le
cadi Hanefi d'Alger aux Maures Kartilla moyennant une rente annuelle et
perpétuelle.
Avant 1831 : Kartilla (Maures)
Francis Mercadal, le 30 novembre 2008.
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