Un trésor à Bouzaréa ?
Les cachettes monétaires des Turcs avant la conquête de la ville d'Alger

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Article paru dans l'Afrique du Nord Illustrée du 24 novembre 1934, trouvé sur https://gallica.bnf.fr

Les cachettes monétaires des Turcs avant la conquête dans la ville d'Alger.
Mouni la sorcière et le Trésor du Raïs Hamidou

Il n'est pas de ruines en Algérie où n’existe la légende de trésors enfouis. Il est évident que cette chose peut exister vu le grand nombre de turcs, de juifs exilés au moment de la conquête et même avant, qui ne sont jamais revenus et qui ont laissé, enfouis dans leurs habitations avec l’espoir du retour la plus grande partie de leur fortune, en laissant des repères pour le retrouver. Il y a déjà quelques années nous avons eu un témoignage de ce fait, dans l'un des plus importants palais d’Alger, dans le palais de Mustapha-Pacha, rue de l’État-major. Dans une cave indépendante de celles du Palais surmontée d'une voûte en berceau sous laquelle se remarquait une colonne surmontée de son chapiteau, mais non placée dans l'axe même de la voûte et ne supportant absolument rien qu‘une vulgaire planchette de bois. Ce n‘était qu'un repère.
Sur le fût de la colonne se trouvait gravée au couteau en caractères grecs l’inscription suivante : Elpiz et Anake dont la traduction est la suivante : Espérance et nécessité, signifiant probablement la nécessité de l’enfouir et l’espérance de le retrouver. Il est évident qu’il ne pouvait être question dans ce lieu retiré que de la cachette d'un trésor. Après quelques fouilles, nous eûmes la preuve que nous ne nous étions pas trompés et que notre hypothèse était juste, car nous découvrîmes, à peu de profondeur, des murs formant la cachette monétaire mais malheureusement vide.
A quelle époque remontait cette cachette ? Époque grecque, d’après l’inscription peut-être ? romaine, arabe, berbère ou turque. Mystère. Ce qu'il y à de certain c‘est que l'on avait là pour l‘étude de la question des cachettes monétaires de l’Afrique septentrionale un type caractéristique pour des trésors importants ; car, les murs entourant la cachette avaient plus d'un mètre de long sur 80 centimètres de large.
Nous avons pu auprès d'anciens turcs et d'autres indigènes connaître la manière dont ils cachaient leur fortune ; car il n'existait dans l'antiquité comme de nos jours, ni banques, ni de coffres-forts où l'argent pouvait être mis en sûreté. Il existait donc certaines coutumes qui étaient suivies d'une manière assez générale par les habitants des villes et des campagnes pour cacher leur avoir.
Dans les palais, les cachettes n‘étaient pas très compliquées ainsi que nous nous en sommes rendu compte lorsque, pendant Ia guerre, nous fumes chargés du service d’entretien des palais dépendant du Gouvernement général. Dans certains palais, dans les harems en particulier, la cachette des femmes pour ce qui concernait leurs bijoux se trouvait presque toujours sous la dernière planche étagère de leur chambre à coucher ; cette dernière recouverte d'une planchette laquelle tendue d'une étoffe précieuse cachait leur avoir à tous les regards.
Les maîtres de la maison confiaient ce qu'ils possédaient au secret du plancher sous les faïences émaillées, très souvent soit à la tête ou au pied du lit ; ces faïences émaillées de sujets divers étaient toujours recouvertes de tapis précieux qui masquaient à la vue ce qui était dessous.
Au début de la conquête, un assez grand nombre de découvertes de trésors a été fait dans les appuis des petites fenêtres de certains palais, et c'est pour ceci, que l'on remarque que presque tous les carreaux de faïences plaqués en ces endroits ont été levés sans avoir été remis en place et replâtrés.
Il y a eu aussi des cachettes placées non dans des puits, ou dans des caves ; mais, dans la maison même ou le palais dans des placards situés au-dessus du lit même de la favorite, comme au Palais d'Hiver par exemple, ou quelquefois dans des armoires secrètes, comme celle existant dans le palais d‘Hassan-Pacha.
Il existe au premier étage de ce palais une armoire secrète très curieuse dont voici la description : Lorsque l'on est arrivé au premier étage, là où se trouvait la chambre de la Sultane l‘on aperçoit dans cette pièce une armoire, avec des ornementations arabes dont le panneau du milieu est une simple glace, fermée par un simple verrou et lorsqu'elle est ouverte l’on aperçoit qu'un fond en planches muni d’étagères.
Jusqu'ici il ne présente rien de bien extraordinaire, l'on a devant soi qu’une simple armoire. Mais, lorsque l’on examine tant soit peu l‘intérieur, l'on aperçoit un petit crochet presque invisible que l’on soulève et, alors en poussant même très légèrement sur le fond, l'on sent que le fond du placard s'enfonce pour aller s'appuyer sur un mur intérieur et, alors apparaît une chambre assez grande pouvant receler un trésor très important que la simple porte munie d’une simple glace n’aurait jamais laisser soupçonner.
ll existe en plus dans cette chambre qui servit dans la suite des temps, à bien des sultanes depuis le XVIe siècle jusqu'en 1830, une autre cachette qui se trouvait placée immédiatement au-dessus du lit de la favorite. C'est un enfoncement masqué par des panneaux moulurés.
Nous ne citons ces cachettes que comme exemples, il y en a bien d'autres de divers genres, surtout dans les palais de corsaires.
Celles-ci sont d'un autre modèle, beaucoup n‘ont pas encore été éventées mais sont connues par la Raïschimie la science du pendule, comme celle dont nous allons nous entretenir. C’est celle du célèbre et fameux corsaire algérien Raïs Hamidou qui vécut et écuma les mers à partir de l’année de 1797 jusqu'en 1815. Il fit pendant ce temps plus de trois millions de prises, en ne comptant que celles qui furent enregistrées sur le livre des prises maritimes d'Alger.
Ce raïs avait sur l'un des sommets de la Bouzaréa une villa ou plutôt un palais dont les ruines se profilent dans l‘un des plus grands ravins de la Bouzaréa. Comme tous les raïs de cette époque, ils avaient placé leur villa avec une sortie sur le rivage. La villa de Raïs Hamidou donnait dans le ravin de Villalba ayant accès à la mer où se trouve actuellement la gare des « Deux Moulins ». C'est par là qu’il amenait clandestinement les prises qu'il ne voulait pas déclarer au fisc turc.
Il fit dans ce ravin des travaux immenses tant pour l’adduction des eaux pour l’arrosage de ses propriétés, qui montaient de la mer au sommet de ce contrefort de la Bouzaréa, où se trouvait placé un de ses palais, lequel était surmonté d'une tour de guet d'une vigie, observatoire spécial peu éloigné de l’Observatoire actuel et d’où l'on pouvait apercevoir la mer de tous les points de l’horizon.
Presque aussi riche que le Dey d‘Alger alors régnant, il avait accumulé presque toutes ses richesses dans son palais de la Bouzaréa.
Un jour, en 1815 dans une croisière sur la Méditerranée assis sur son banc de quart, il reçut en pleine poitrine un boulet d'une frégate américaine qui le coupa en deux, fidèle à la recommandation que lui avait faite son commandant Hamidou, son second jeta immédiatement son corps à la mer.
Comme c’était la coutume dans ce temps là, le Beit-el-Mal s'empara de ses biens et les vendit. Sa villa de la Bouzaréa, fut achetée par le roi de la Nation juive de l'époque Bacri, et devint alors la villa Ben Zaheut, Bacri n’était pas ignorant des trésors qui y étaient accumulés.
Mais, malgré de multiples recherches les trésors accumulés par le Raïs Hamidou ne furent jamais découverts. Parmi les domestiques, esclaves, favorites et autres qui s'y trouvaient en grand nombre, seule une kabyle qui avait été la favorite du Maître de céans. Cette femme avait eu une fille qui, ainsi que sa mère, ne quitta jamais les lieux après la mort d'Hamidou. La fille après la mort de sa mère devint une diseuse de bonne aventure, jetant des sorts par ci, par là. Demi-folle comme le sont presque tous ces gens là, elle se promenait sans cesse dans les ruines qui lui étaient familières, voyant petit à petit tomber murs et murailles après la mort de Ben Zaheut, et elle assistait impuissante au pillage de ce qui fut jadis le palais de son père. Un jour dans un de ses moments de lucidité, elle prit par la main un visiteur pour lequel ces lieux abandonnés et presque déserts avaient un certain charme. Elle l’entraîna dans une de ces cours de marbre encore non effondrés ; et, à un certain endroit, frappant le pavage en marbre intact de ses pieds nus, lui dit : Vois bien ici, là est le trésor d‘Hamidou.
Un matin l’on trouva Mouni, la fille du Raïs Hamidou, morte aux pieds d'un mur. Cette pauvresse morte repose à l’abri du marabout de Sidi Bennour ; « Dieu lui soit miséricordieux » disent les arabes. Depuis ce temps, les pierres ont remblayé petit à petit l’endroit où existe, selon Mouni la sorcière, le trésor d’Hamidou. Possédait elle le secret du maître transmis par sa mère ; d’où besoin de le dévoiler un jour, mystère.
L’endroit indiqué par Mouni, paraît correspondre avec l’emplacement de l’une des plus belles pièces qu’occupa le Raïs Hamidou dans son palais ; c’est déjà un point d’acquis pour la possibilité de la découverte du trésor.
Un jour ou l’autre la spéculation viendra prendre possession de l’ancienne villa Ben-Zaheut et alors, par suite de démolitions forcées, le trésor du Raïs Hamidou apparaîtra au jour , à moins que certains sourciers renommés de nos jours, ne viennent en devancer la découverte par la Radiesthésie.


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