|
Une
création qui honore la France et lAlgérie
Une journée à lÉcole hôtelière
de Ben-Aknoun
Depuis
vingt ans que. de l'Est à lOuest et du Nord au Midi. je pérégrine
à travers l'Algérie, que de
fois ai-je entendu ce lamento : « Qu'attendent les Pouvoirs
publics pour créer une école hôtelière, laquelle
nous procurerait la main-d'uvre qualifiée dont nous manquons
? ».
Ces desiderata sont aujourd'hui satisfaits. Aujourd'hui, enfin, l'école
tant désirée parce que si nécessaire, est créée,
et ce sont les impressions d'une visite que jy fis que je vais rapporter.
Honneur aux promoteurs
!
Bien que lÉcho d'Alger ait plusieurs fois déjà.
intéressé ses lecteurs à cette réalisation
d'une haute portée sociale, je veux rappeler que l'on doit la création
du Centre de formation accélérée de lindustrie
hôtelière de Ben-Aknoun à la Fédération
algérienne des hôteliers, restaurateurs et limonadiers, et
à lappui tout-puissant et décisif, qu'elle eut la
chance de trouver auprès de la Caisse de compensation des allocations
familiales du département d'Alger, laquelle a procuré à
la Fédération les locaux, les installations et fourni les
avances financières nécessaires. Et léquité
exige que l'on signale le dévouement plein de conscience et de
cur dont furent prodigues en cette occasion MM. Gaston Eloche, président
de la Fédération et MM. Dumény et Michel Baroli,
les deux vice-présidents, sans omettre MM. Bayle, membre du bureau
directeur de la Fédération qui fut le rapporteur du projet
devant la Fédération et l'un de ses artisans les plus déterminés.
La visite des lieux
Reçu par M. Langlais, directeur des cours de formation professionnelle,
et par M. Despins, directeur du C.P.V., je fus lhôte, un jour
entier. de l'école hôtelière, ce qui m'a permis den
voir et den admirer longuement et dans tous ses détails la
perfection technique.
Les cuisines dabord, dont les installations électriques dernier
modèle sont certainement uniques dans toute l'Afrique du Nord.
Là, autour d'une marmite pleine à ras bord de couscous,
s'affaire un essaim de jeunes gens en bonnet blanc, la serviette en fichu,
attentifs aux conseils et aux démonstrations du chef, tandis que
d'autres préparent la pâte d'une pâtisserie qui sera
notre dessert. Ce qui frappe dans cette vaste cuisine largement aérée,
c'est l'ordre et la propreté, la netteté du local et la
tenue des élèves, dont deux, un pâtissier et un cuisinier,
soucieux apparemment de perpétuer la tradition, ont déjà
l'embonpoint de tout Vatel digne de ce titre. Et l'un et l'autre ont dix-sept
ans !
Après les cuisines, les dortoirs, aux couchettes superposées,
aux placards individuels et lavabos et douches attenant. Tout cela, bien
entendu. d'une propreté exemplaire qui rappelle celle des navires.
Enfin, le réfectoire : un immense vaisseau dont la façade,
entièrement vitrée, souvre tout entière
par un système ingénieux de coulisses sur les jardins fleuris,
les frondaisons des pins et la libre lumière - et qui contient
cinq cents couverts.
Les dalles luisantes du parquet, les murs ripolinés, les tables
individuelles revêtues de balatum, matière plastique qui
permet de les maintenir en état constant de propreté, et
le soir, léclairage au néon, font de cette salle à
manger, où l'esthétique et lutilité se conjuguent.
se adaptent et s'harmonisent, une réussite grandiose. Je n'oublie
pas le bar, qui sert des rafraîchissements et vend des cigarettes
sans prélever de bénéfice.
Tous ces avantages et tous ces agréments - pour ne rien dire. faute
de place, de ceux des pavillons et du parc de vingt hectares ou ils sérigent
et séparpillent - permettent de mesurer le bienfait social
et humain que représente cette création jumelée et
complémentaire : l'école hôtelière et le centre
familial de vacances.
Les conditions d'admission
des élèves
Désirant limiter mon enquête à l'école hôtelière,
jai voulu connaître les conditions exigées pour ladmission
des élèves. Les voici : a) avoir dix-sept ans au moins et
vingt-cinq ans au plus ; b) être titulaire du certificat détudes
primaires ; c) satisfaire à un examen psychotechnique et à
une visite
médicale. Cest tout. Pas de préférence ni de
privilège. Cest ainsi quactuellement, lécole
compte vingt élèves musulmans et vingt-six Européens,
dont deux israélites.
L'enseignement technique
Au cours du stage d'une année. on enseigne aux élèves
le service de table, la cuisine, la pâtisserie, le secrétariat
et langlais. Ils ont une journée de congé par semaine
et perçoivent un traitement ou une indemnité mensuelle de
8.000 francs. moins une retenue de 2.500 francs pour la nourriture et
de 500 francs pour leurs vêtements de travail qui restent leur propriété.
Et M. Langlais, directeur des cours professionnels, se déclare
très satisfait et de leurs aptitudes naturelles, et de leur application.
Quant à la tenue et à l'état des esprits, ils sont
irréprochables. Jamais « d'histoires », jamais
de zizanies ! La sympathie et la confiance unifient tous les curs,
et depuis louverture de l'école, un seul renvoi a dû
être effectué.
Le but et lambition
de l'école
Certes, malgré la bonne volonté des élèves
et de leurs éducateurs. l'école na pas la présomption,
en une année seulement, de faire des chefs de cuisine. ni des chefs
de rangs, ce que les écoles de la métropole mettent trois
ans à réaliser.
Ni son but ni son ambition ne sont là. Elles sont de sélectionner
les jeunes gens qui se confient à
elle et de déceler ou de provoquer les vocations hôtelières.
Puis, l'année de stage écoulée, elle place, sans
leur retirer sa tutelle, ses meilleurs sujets dans des établissements
de bonne tenue où sachève leur apprentissage.
Ainsi, bien dirigés dès lorigine, bien partis, il
est juste despérer que leur carrière sera heureuse.
- Notez-le bien, m'ont déclaré à l'unisson tous les
promoteurs de cette institution que j'ai pu consulter, notamment M. Victor
Prouteau, directeur de lOfalac. auquel est confiée lorientation
du tourisme algérien, ce à quoi tend le centre de formation
professionnelle accélérée, qui est assimilable à
un cours de préapprentissage, ce n'est pas de produire des directeurs
de casinos ni de palaces, mais un personnel subalterne de valeur et de
mérite. grâce auquel notre industrie hôtelière
croîtra en qualité et accroîtra le prestige de lAlgérie
et de la France.
Et moi qui, au cours de mes déplacements, ai tant de fois entendu
des touristes se plaindre dêtre servis à table par
un garçon aux ongles noirs. a la barbe pas faite, à la mine
renfrognée et de plus in
capable de découper un mets, j'exulte à la pensée
que demain, grâce aux jeunes brigades formées par lécole
de Ben-Aknoun, ces doléances, si souvent motivées, auront
fait place à des louanges.
|