EL-BIAR - La Mairie
Dernière mise à jour le 5 décembre 2016
3 cartes postales et un article de l'Écho d'Alger sur cette page
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L'hôtel de ville, avec un beau patio recouvert d'une coupole et décoré de claustras polychromes et d'une fresque de Rochegrosse. (Les Guides Bleus "Algérie-Tunisie", 1950)
La Mairie a été inaugurée le 12 mai 1923 en présence de Monsieur Steeg, Gouverneur Général de l'Algérie (Écho d'Alger du 14 mai 1923)

INAUGURATION
de la nouvelle Mairie d‘El-Biar

La population d’El-Biar a inauguré avant-hier, la nouvelle mairie récemment construite.
Dès cinq heures, une foule nombreuse envahit la jolie place plantée d’arbres, au fond de laquelle s’élève 1a Mairie. Une brillante assistance, dans laquelle nous remarquons le Prince d’Annan, le colonel Fouchard, et plusieurs officiers supérieurs, de hauts fonctionnaires, tous les conseillers municipaux et les notables, se groupe sous le grand porche, attendant l'arrivée des autorités. Étaient également présents : M. Alliez, préfet d’Alger, le secrétaire général de la Préfecture et le chef de cabinet du Préfet, ainsi que M. Guastavino, conseiller général et délégué financier.
A 6 heures, arrive M. Steeg, Gouverneur Général, accompagné de M. Dubief, secrétaire général du Gouvernement, et de M. Ginoux, directeur du cabinet. Il est reçu, à sa descente de voiture, par M. Luciani, maire et délégué financier, qui le conduit dans son cabinet, où il présente les membres du Conseil municipal.
Les invités se rendent ensuite dans la salle des délibérations. Ils admirent, en passant, le patio, très élégant avec ses colonnes de marbre, sa décoration de faïences mauresques, ses balustrades en bois sculpté et sa coupole ajourée de claustra à vitres polychromes. Dans la salle ornée de plantes et de palmes, superbement décorée d’une fresque signée Rochegrosse, le cortège officiel, auquel viennent se joindre toutes les notabilités de la commune, prend place autour d’une table magnifiquement garnie.
M. Luciani, prenant la parole, remercie M. le Gouverneur Général, au nom du Conseil municipal et de la population. "Il pouvait paraître présomptueux, dit-il, de déranger pour une affaire de si peu d’importance, le plus haut représentant de la France en Algérie. Vous avez cependant, Monsieur le Gouverneur Général, accepté notre invitation, avec la bienveillance et la simplicité que connaissent et apprécient tous ceux qui vous approchent. Nous vous en sommes profondément reconnaissants. L'édifice que nous inaugurons peut sembler, à première vue, trop somptueux pour notre modeste commune. En réalité, ses proportions correspondent, sans la moindre exagération, aux besoins de nos services municipaux. Si nous en avons soigné le style, et si nous lui avons donné un certain cachet, c’est pour l’adapter à son milieu, pour le mettre en harmonie avec les belles,villas qui peuplent notre région, D’autre part. on sait que la commune d’El-Biar borde la ville d’Alger, depuis le faubourg de Bab-el-Oued jusqu’aux hauteurs de la Colonne Voirol, et ce voisinage lui crée des obligations. On dirait que, dans un geste affectueux, elle entoure de ses bras sa grande soeur dont elle admire l'élégance et la beauté. Et, à son tour, elle s’attife et se pare de son mieux, non pour l'égaler, ce qui serait impossible, mais pour lui faire honneur et ne pas faire tâche à ses cotés. L’inauguration do notre maison commune est pour nous une occasion nouvelle d’affirmer notre patriotisme et notre dévouement au Gouvernement de la République. En remerciant mes concitoyens d’avoir bien voulu se joindre à nous pour recevoir Monsieur le Gouverneur Général, je bois à la France, et à l'homme d’État éminent qui la représente si dignement dans notre pays".
Répondant à l'allocution du maire, le Gouverneur Général dit que c’est en voisin et en ami qu’il s’est rendu à la cordiale invitation du Conseil municipal d’El-Biar. Il tenait d’abord à payer une dette vis-à-vis du maire, M. Luciani, dont ses prédécesseurs ont connu la longue et précieuse collaboration. M. Steeg rappelle les services de M. Luciani au cours de sa carrière administrative si utilement remplie, puis aux Délégations financières de l’Algérie à laquelle il est si profondément attaché. Comment aussi le Gouverneur n’aurait-il pas répondu a l’appel de la commune d’El-Biar qui, dit-il, lui est proche, familière et chère. Rapidement, M. Steeg brosse un joli tableau de la coquette cité avec ses villas élégantes étagées, d’où l’on découvre la mer, les cimes neigeuses de la Kabylie, les verdoyantes richesses de la Mitidja, les pittoresques escarpements du Frais-Vallon.
Le Gouverneur continue ainsi : "C’est ici la maison commune et je ne sais pas de nom plus beau. C’est ici que se noue la vie de sa famille, que s’inscrit l’histoire de ses espoirs, de ses joies, de ses deuils ; c’est la maison commune, celle qui est ouverte à tous sans distinction de classe ou de croyance, particulièrement accueillante aux faibles, aux déshérités qui y trouvent consolation, conseils ou concours efficace. Ministre de l’Intérieur pendant la guerre, j'ai eu l’honneur d’être tuteur des communes de France; mais qu’eût fait le tuteur sans ses pupilles? Oui, les modestes mairies éparses sur le territoire de la métropole et de l’Algérie ont été des centres d’organisation matérielle et économique; elles ont dû, dans des circonstances singulièrement lourdes et malaisées, assurer le ravitaillement; elles ont été des foyers de résistance morale et de concorde patriotique. De toute mon âme, je souhaite que vous n’ayez pas à vous réunir dans votre gracieuse mairie pour y connaître l’angoisse des devoirs d’hier, mais je suis assuré que dans cette maison commune s’accomplira, avec le désintéressement ingénieux qui caractérise l’action des municipalités, la tâche de plus en plus délicate qui leur incombe. Elles créent des liens d’affection et de solidarité entre leurs administrés. Si le patriotisme dépasse, et de beaucoup, l’amour du village i1 y puise cependant une force. La Patrie n’est pas une abstraction ; elle est une réalité puissante et vaste. L’attachement au sol natal en est un élément. N’est-ce pas lui qui nous inspire l’horreur frémissante de l’invasion étrangère ? Ai-je besoin de dire la sympathie amicale avec laquelle le Gouverneur général suivra vos efforts et les secondera ? Ai-je besoin d’ajouter la certitude, qu’il a des résultats bienfaisants qui les récompenseront ?
Cette improvisation est couverte d’applaudissements unanimes. Le Gouverneur général se fait présenter l’architecte de la mairie, M. Louis Titre, et les constructeurs, MM. Ernest et Barthélémy Vidal, auxquels il exprime des félicitations. M. Steeg visite ensuite les différents locaux de la mairie et se retire salué par le maire et les assistants. La Société de musique d’El-Biar prêtait son concours à la cérémonie. Pour terminer joyeusement la journée, elle organisait le soir, sur la place Carnot, un bal populaire qui fut très animé et se prolongea jusqu’à minuit.