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INAUGURATION
de la nouvelle Mairie dEl-Biar
La population dEl-Biar a inauguré
avant-hier, la nouvelle mairie récemment construite.
Dès cinq heures, une foule nombreuse envahit la jolie place plantée
darbres, au fond de laquelle sélève 1a Mairie.
Une brillante assistance, dans laquelle nous remarquons le Prince dAnnan,
le colonel Fouchard, et plusieurs officiers supérieurs, de hauts
fonctionnaires, tous les conseillers municipaux et les notables, se groupe
sous le grand porche, attendant l'arrivée des autorités.
Étaient également présents : M. Alliez, préfet
dAlger, le secrétaire général de la Préfecture
et le chef de cabinet du Préfet, ainsi que M. Guastavino, conseiller
général et délégué financier.
A 6 heures, arrive M. Steeg, Gouverneur Général, accompagné
de M. Dubief, secrétaire général du Gouvernement,
et de M. Ginoux, directeur du cabinet. Il est reçu, à sa
descente de voiture, par M. Luciani, maire et délégué
financier, qui le conduit dans son cabinet, où il présente
les membres du Conseil municipal.
Les invités se rendent ensuite dans la salle des délibérations.
Ils admirent, en passant, le patio, très élégant
avec ses colonnes de marbre, sa décoration de faïences mauresques,
ses balustrades en bois sculpté et sa coupole ajourée de
claustra à vitres polychromes. Dans la salle ornée de plantes
et de palmes, superbement décorée dune fresque signée
Rochegrosse, le cortège officiel, auquel viennent se joindre toutes
les notabilités de la commune, prend place autour dune table
magnifiquement garnie.
M. Luciani, prenant la parole, remercie M. le Gouverneur Général,
au nom du Conseil municipal et de la population. "Il pouvait paraître
présomptueux, dit-il, de déranger pour une affaire de si
peu dimportance, le plus haut représentant de la France
en Algérie. Vous avez cependant, Monsieur le Gouverneur Général,
accepté notre invitation, avec la bienveillance et la simplicité
que connaissent et apprécient tous ceux qui vous approchent. Nous
vous en sommes profondément reconnaissants. L'édifice que
nous inaugurons peut sembler, à première vue, trop somptueux
pour notre modeste commune. En réalité, ses proportions
correspondent, sans la moindre exagération, aux besoins de nos
services municipaux. Si nous en avons soigné le style, et si nous
lui avons donné un certain cachet, cest pour ladapter
à son milieu, pour le mettre en harmonie avec les belles,villas
qui peuplent notre région, Dautre part. on sait que la commune
dEl-Biar borde la ville dAlger, depuis le faubourg de Bab-el-Oued
jusquaux hauteurs de la Colonne Voirol, et ce voisinage lui crée
des obligations. On dirait que, dans un geste affectueux, elle entoure
de ses bras sa grande soeur dont elle admire l'élégance
et la beauté. Et, à son tour, elle sattife et se pare
de son mieux, non pour l'égaler, ce qui serait impossible, mais
pour lui faire honneur et ne pas faire tâche à ses cotés.
Linauguration do notre maison commune est pour nous une occasion
nouvelle daffirmer notre patriotisme et notre dévouement
au Gouvernement de la République. En remerciant mes concitoyens
davoir bien voulu se joindre à nous pour recevoir Monsieur
le Gouverneur Général, je bois à la France, et à
l'homme dÉtat éminent qui la représente si
dignement dans notre pays".
Répondant à l'allocution du maire, le Gouverneur Général
dit que cest en voisin et en ami quil sest rendu à
la cordiale invitation du Conseil municipal dEl-Biar. Il tenait
dabord à payer une dette vis-à-vis du maire, M. Luciani,
dont ses prédécesseurs ont connu la longue et précieuse
collaboration. M. Steeg rappelle les services de M. Luciani au cours de
sa carrière administrative si utilement remplie, puis aux Délégations
financières de lAlgérie à laquelle il est si
profondément attaché. Comment aussi le Gouverneur naurait-il
pas répondu a lappel de la commune dEl-Biar qui, dit-il,
lui est proche, familière et chère. Rapidement, M. Steeg
brosse un joli tableau de la coquette cité avec ses villas élégantes
étagées, doù lon découvre la mer,
les cimes neigeuses de la Kabylie, les verdoyantes richesses de la Mitidja,
les pittoresques escarpements du Frais-Vallon.
Le Gouverneur continue ainsi : "Cest ici la maison commune
et je ne sais pas de nom plus beau. Cest ici que se noue la vie
de sa famille, que sinscrit lhistoire de ses espoirs, de ses
joies, de ses deuils ; cest la maison commune, celle qui est ouverte
à tous sans distinction de classe ou de croyance, particulièrement
accueillante aux faibles, aux déshérités qui y trouvent
consolation, conseils ou concours efficace. Ministre de lIntérieur
pendant la guerre, j'ai eu lhonneur dêtre tuteur des
communes de France; mais queût fait le tuteur sans ses pupilles?
Oui, les modestes mairies éparses sur le territoire de la métropole
et de lAlgérie ont été des centres dorganisation
matérielle et économique; elles ont dû, dans des circonstances
singulièrement lourdes et malaisées, assurer le ravitaillement;
elles ont été des foyers de résistance morale et
de concorde patriotique. De toute mon âme, je souhaite que vous
nayez pas à vous réunir dans votre gracieuse mairie
pour y connaître langoisse des devoirs dhier, mais je
suis assuré que dans cette maison commune saccomplira, avec
le désintéressement ingénieux qui caractérise
laction des municipalités, la tâche de plus en plus
délicate qui leur incombe. Elles créent des liens daffection
et de solidarité entre leurs administrés. Si le patriotisme
dépasse, et de beaucoup, lamour du village i1 y puise cependant
une force. La Patrie nest pas une abstraction ; elle est une réalité
puissante et vaste. Lattachement au sol natal en est un élément.
Nest-ce pas lui qui nous inspire lhorreur frémissante
de linvasion étrangère ? Ai-je besoin de dire la sympathie
amicale avec laquelle le Gouverneur général suivra vos efforts
et les secondera ? Ai-je besoin dajouter la certitude, quil
a des résultats bienfaisants qui les récompenseront ?
Cette improvisation est couverte dapplaudissements unanimes. Le
Gouverneur général se fait présenter larchitecte
de la mairie, M. Louis Titre, et les constructeurs, MM. Ernest et Barthélémy
Vidal, auxquels il exprime des félicitations. M. Steeg visite ensuite
les différents locaux de la mairie et se retire salué par
le maire et les assistants. La Société de musique dEl-Biar
prêtait son concours à la cérémonie. Pour terminer
joyeusement la journée, elle organisait le soir, sur la place Carnot,
un bal populaire qui fut très animé et se prolongea jusquà
minuit.
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