Pour couper la route à Bou-Mezrag,
campé au lieu dit El Guintra, celui-ci -prévenu par un des
goumiers à notre service, quitta son emplacement et vint nous attendre
en pleine forêt d'Es-Sroudj (tribu des Msellem), ayant fait ainsi
un grand mouvement tournant. Nos troupes arrivèrent à cet
endroit vers 7 heures du matin et sans aucune défiance, elles furent
accueillies par une vive fusillade partant de derrière les arbres.
L'ennemi était fort de 2 à 3.000 hommes, notre colonne se
composait de 800 hommes environ, goum compris. l'obusier et 150 chevaux.
Le premier moment de stupeur passé, nous répondîmes
par un feu vif ; après trois heures de lutte contre ces hordes
fanatiques dont le nombre augmentait à chaque instant, le combat
devint de plus en plus acharné de part et d'autre, les mobiles
durent plusieurs fois charger à la baïonnette : dans leur
ardeur, ils en vinrent à un corps à corps général.
L'ennemi serré de quatre côtés à la fois, battit
en retraite et se replia dans les ravins, où il fut accompagné
par le tir bien dirigé de l'obusier servi par des canonniers Coquet
et Ollagnier, du 3° d'artillerie, tir qui leur cause quelques pertes.
Le lieutenant-colonel Trumelet fit plusieurs fois sonner le rassemblement
et c'est avec trop de mal qu'il put se faire écouter.
Les pertes ennemies étaient considérables, deux cents morts,
autant de blessés, ainsi qu'un grand nombre de chevaux tués,
blessés et abandonnés.
Malheureusement de notre côté, nous avions à déplorer
la mort de seize hommes et d'un officier. Ce dernier fut trouvé
les mains coupées, le lendemain, dans un épais fourré,
par les mokhasnis envoyés à sa recherche, ainsi que les
corps de 9 mobiles, complètement nus. Cette nouvelle mit la tristesse
dans nos rangs et ce n'est que grâce au sang-froid des officiers,
retenant leurs hommes qui voulaient à toute force venger leurs
camarades, que ceux-ci furent empêchés de se lancer spontanément
sur les traces de l'ennemi, dans une poursuite qui eut été
sans doute très dangereuse.
Ci-dessous les noms des victimes :
- Bélot, Charles-Constant-Gustave, capitaine au 18° régiment
de ligne, adjoint au bureau arabe d'Aumale, né à Besançon
(Doubs) 31 ans.
- Moppert, Ernest, né à Beauène, 30 ans.
- Blanchard, François, né à Dernaud, 21 ans.
- Deschamps, Pierre, caporal au 2° bataillon, né à Marcheseil,
29 ans.
- Michot, Pierre, né à Bouchery, 21 ans.
- Pernot, Jacques, né à Liernais, 24 ans.
- Loranchet, Philibert, né à Nuits, 34 ans.
- Loranchet, Claude, né à Nuits, 31 ans.
- Moillard, Symphorin, né à Nuits, 24 ans.
- Buffenoir, Jacques, né à Nuits, 24 ans.
- Fournier, Pierre, né à Boncourt, 31 ans.
- Fromentin, Nicolas, né à Noiron-les-Citeaux, 32ans.
- Célogny, Marcel, né à Mâcon, 27 ans.
- Compain, Joseph-Claude, né à Cirey, 21 ans.
- Changarnier, Lazare, né à Nolay, 30 ans.
- Duchemin, François, né à Cirey, 32 ans.
- Manlay, Jean-Baptiste, né à Larochepot, 30 ans.
Tous gardes nationaux, victimes glorieuses du combat d'Es-Sroudj, le
23 mars 1871.
D'importantes funérailles leur furent faites le 25 mars, les honneurs
militaires leur furent rendus, et un grand concours de population suivit
le cortège. Leurs corps reposent au cimetière d'Aumale,
où un monument commémoratif portant leurs noms a été
élevé par leurs camarades.
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