ETUDE HISTORIQUE SUR LA VILLE D'AUMALE - Période Française
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PERIODE FRANÇAISE - 3
Dernière mise à jour le 3 avril 2008
Lallemand et sa petite troupe quittèrent le Bordj vers le milieu de la nuit, après avoir épuisé tous leurs approvisionnements et arrivèrent le lendemain vers deux heures de l'après-midi à Aumale.
Après leur départ le Bordj fut incendié par les insurgés ; il fut plus tard, construit à leurs frais. Une plaque de marbre placée à l'entrée relate ces événements.
Pendant ce temps, le 22 éclatait à Aumale une néfag (insurrection) qui ne fit aucune victime européenne ; seuls les commerçants mozabites et israélites furent malmenés ; elle n'eut pas de conséquence plus graves, grâce à l'attitude énergique de la population qui, en quelques instants, aidée par les pompiers et quelques mobiles, déblayèrent la ville.
Les colons étaient entrés se mettre à l'abri des remparts, sauf un nommé Veillon (ferme Bordier), qui fut lâchement assassiné ainsi que sa femme ; seule, une enfant de trois ans, échappa en se cachant à une mort certaine. Trois jours après seulement on apprenait le drame et la fillette en faisait le triste récit ; elle est en France mariée à un cultivateur.
Autour d'Aumale, la situation devenait de plus en plus inquiétante, les fermes abandonnées par les colons étaient pillées et incendiées.
Le lieutenant-colonel Trumelet, certain de l'infidélité des caïds des environs d'Aumale, qui au nombre de douze, avaient reçu de la part de Bou-Mezrag des lettres les engageant à la rébellion contre les autorités, les fit arrêter ainsi que l'agha des Arib, Yahia ben Ferhat, son frère Mohammed ben Chennaf, caïd des Béni-Amar. Quelques jours après, c'était le tour du caïd d'Ain-Bessem, Si Hamed ben Kouider.
Le 28 mars, Aumale recevait comme renfort 300 zouaves et tirailleurs, 4 escadrons des 1° et 9° chasseurs d'Afrique 59 hommes et l'officier d'artillerie 18 hommes, 5 officiers du train, soit en tout, 30 officiers 720 hommes caporaux brigadiers et sous-officiers, 463 chevaux et mulets.
Le 31 mars, Bou-Mezrag était signalé à Teniet Ouled Daoud à l'Est d'Aumale, entre le Bordj de Bouira et El Esnam point de convocation assigné dans ses lettres aux -caïds ; celles qu'il avait écrites à Si Bouzid, agha de Bouira et au caïd des Ouled Bellel, furent remises par leurs destinataires au commandant.
Le lieutenant-colonel Trumelet prévenu, envoyait aussitôt d'Aumale, le 6 à 9 heures du soir, un goum de 150 chevaux commandés par l'interprète Guin et le sous-lieutenant de spahis El Issère, pour protéger le convoi de vivres et de munitions destiné aux Bordj de Bouira et d'El-Esnam. Ce goum surprit un poste ennemi près d'El-Esnam, lui tua cinq hommes et en blessa sept.
Le 7, un nouveau convoi de vivres à destination d'EI-Esnam, qui était dépourvu d'eau et se composant de 40 cavaliers, fut organisé ; ces derniers apprenant que tes insurgés entouraient le Bordj, s'arrêtèrent à Bouira, où il déposèrent leurs vivres.
Le lieutenant-colonel Trumelet décida une seconde expédition qui partit le 9 avril forte d'un goum de 400 cavaliers, sous le commandement du capitaine Cartairade, du Bureau Arabe, deux escadrons du 1er chasseurs d'Afrique et d'une section d'ambulance, sous le commandement du capitaine Ulrich du 1er chasseurs. Ces forces quittèrent Aumale vers 2 heures de l'après-midi et arrivèrent sans encombre à Bouira à 9 -heures du soir. Elles repartirent le lendemain matin à 7 heures pour El-Esnam, emmenant avec elles le convoi du 8 resté à Bouira.
Elles arrivèrent vers 9 heures dans la plaine d'El Betta où un contingent ennemi fort de 6 à 700 cavaliers de Bou-Mezrag franchit l'Oued Zaïan et nous attaqua avec furie. Après un combat de deux heures livré en partie dans les broussailles et les touffes de lentisques, nous constatâmes malheureusement la mort du maréchal des logis Castaing du 9° chasseurs, du sous-lieutenant Nicolas du 1er chasseurs, nous avions huit blessés.
Le goum avait deux cavaliers blessés en tout, 6 chevaux tués, 3 blessés, 55 chevaux furent pris à l'ennemi.
Quant aux insurgés leurs pertes étaient élevées : 90 tués environ et un grand nombre de blessés.
Après avoir approvisionné le Bordj et laissé prendre à la source distante de 150 mètres, l'eau nécessaire, la colonne se dirigea sur Aumale, où elle effectua son entrée le 11 à 4 heures du soir, sans autre incident.
Le général Cérez qui, à la tête de la colonne qui a conservé son nom, vint prendre la direction des opérations de notre région, n'était pas un inconnu pour les Algériens. Il avait été pendant deux ans premier adjoint à la direction des affaires indigènes d'Oran ; au moment de la guerre il était commandant supérieur du cercle de Laghouat.
Sa colonne fut organisée à Alger, le départ eut lieu le 9 avril, elle arriva à Aumale le 15 à neuf heures du matin avec un effectif de 3.420 hommes, officiers compris, mais l'effectif à la date du 20, ne fut pas plus que de 2.784 hommes, 164 officiers, 875 chevaux, 4 pièces rayées de montagne, en raison du départ des hommes appartenant aux territoires annexés par l'Allemagne (à partir du 15 avril, l'effectif des troupes de la division d'Alger tomba à 16.000 environ).
Tous les chefs indigènes nommés plus haut furent relâchés et suivirent tous les mouvements de la colonne, seul, Yahia ben Ferhat, agha des Arib, qui continuait à donner des marques de duplicité, ne fut pas relâché. Il tenta de s'évader dans les premiers jours d'avril, un cheval tout sellé l'attendait dans un fondouk. Le commandant prévenu, put déjouer cette tentative qui, si elle avait réussi aurait pu avoir des conséquences graves, les Arib en insurection n'attendant que l'arrivée de leur chef.
Les goums et les tribus du Nord et de l'Ouest. nous servirent avec fidélité, seules les tribus de l'Est, les Ouled Msellem, Béni Intacem, Ouled Salem et Béni Amar, suivirent le mouvement insurrectionnel sous l'influence de Bou-Mezrag.
Le dimanche 16 avril eurent lieu sur le marché des Sen-Hadja (environs de Palestro) et le mercredi 19 sur le marché de l'Arba des Beni-Khalfun (également près de Palestro) une réunion des chefs et meneurs favorables à l'insurrection : c'est dans cette dernière réunion que fut décidée l'attaque du village de Palestro, qui eut lieu le 20 avril et qui dura quarante huit heures, après lesquelles l'aspect de la ville était lamentable ; toutes les maisons en partie détruites, les objets, meubles, etc., jetés pêle-mêle à terre. Détail navrant 46 victimes gisaient sans vie, tandis que d'autres disparurent sans que l'on n'ait jamais retrouvé leurs traces.
Le colonel Fourchault, qui dégagea Palestro, fit creuser sur la place et près de l'église, une immense fosse où furent inhumées ces malheureuses victimes. Un imposant monument commémoratif a été élevé depuis à cet endroit.
Le partage du butin fait à Palestro eut lieu le 22. Les tribus insurgées d'Aumale ainsi que celles de Palestro se portèrent vers Dra El Mizan, détruisant tout sur leur chemin : fermes, maisons cantonnières, lignes télégraphiques, etc...
La colonne se dirigea alors vers l'Alma (Boudouaou, en arabe), où elle livra un important combat à la suite duquel une vingtaine de prisonniers furent passés par les armes.
Bou-Mezrag à la tête d'un contingent fort de 2.000 hommes se dirigeait sur El-Esnam et faisait investir le Bordj de Béni Mançour.
Le général Cérez, avec un fort convoi se porta à sa rencontre. Le choc eut lieu le 20 à midi et demi dans les environs du bivouac, au col des Ouled Daoud, forêt du Kséna. Le feu très meurtrier dura jusqu'à deux heures et se termina par une brillante charge dirigée par le colonel Goursaud ; le goum sous le commandement du capitaine Cartairade, se montra très énergique. A la fin de l'affaire, le nombre des morts de l'ennemi se chiffrait par plus de 300 et 400 fusils, pistolets et sabres, furent ramassés sur le terrain.
De notre côté, nous comptions 2 tués, 13 blessés, le goum comptait un tué, un blessé,. 3 chevaux blessés et 1 tué.
La colonne quittait son bivouac le 19 à 6 heures du matin, après avoir fait une ample razzia d'orge dans les silos des Ouled Msellem et après avoir obtenu la soumission des tribus des Beni-Illmam. Elle se détourna de son chemin, pour détruire le Bordj qui était l'habitation de Bou-Mezrag, mais elle fut reçue à coups de fusil par des groupes de cavaliers, 250 environs, sous les ordres de Bou-Mezrag lui-même : nous -eûmes vite raison de cette attaque, les cavaliers laissant quelques blessés se dispersèrent, le Bordj fut détruit et incendié.
Le 23. la colonne campait à l'Oued O kriss, où elle trouvait le caravansérail abandlonné et détruit.
Le 25, elle rentrait à Aumale, à 9 heures du matin. Le 26, le Général Cérez partait par la traverse de la Baraque pour débloquer Bouira et Beni-Mançour. En arrivant, il apprenait que quelques tribus demandaient l'aman.
Le 28, personne ne s'était présenté au camp, le général, avec un effectif de 1.800 fantassins et cavaliers, livrait, à 8 km de Bouira, un important combat à l'endroit dit Dra Oum Errik, sur les contreforts du Djurdjura. L'ennemi comptait environ trois mille hommes : après 35 minutes de lutte il était délogé de ses positions à la baïonnette et fuyait laissant un grand nombre de morts, les villages indigènes environnants furent incendiés.
Le 27, le capitaine Cartairade, resté à Aumale, fit une reconnaissance avec 60 cavaliers, au camp de Téniet Ouled Daoud, où il se trouva en présence d'un ennemi vingt fois plus fort ; il crut plus prudent de ne pas attaquer et se replia sur Aumale.
Le 3 mai, la colonne Cérez quittait Ben Haroun et prit la vallée de l'Oued Soufflat où un fort contingent commandé par Mokrani en personne était signalé.
Le 4 au soir, l'ennemi fort de 8.000 à 10.000 hommes était aperçu aux environs de l'Oued Rekham, affluent de l'Oued Djemma, où le chef campait. Une partie de ces bandes était bien armée, le reste ne l'était que de bâtons, couteaux et autres armes de ce genre.
Malgré une forte nuit de pluie, l'ennemi ne cessa de nous harceler par des coups de feu qui ne portaient pas, mais qui maintenaient cavalerie et infanterie sur le qui-vive jusqu'à une heure du matin, moment où tout rentra à peu près dans le calme.
Deux heures après, la colonne, sans bruit, levait le camp et s'engageait sur la route qui remonte l'Oued Soufflat ; elle était encore à peu de distance de ce dernier quand les soldats d'arrière-garde remarquèrent un grand nombre de cavaliers qui les suivaient ; quelques coups de feu bien dirigés les mirent en déroute.
En apercevant plus loin, sur les hauteurs, qui séparent l'Oued Soufflat de l'Isser, un goum de 300 à 400 cavaliers, au centre duquel flottait un étendard que les indigènes prétendaient être celui de Mokrani ; après avoir été aperçu il disparaissait, la colonne continuait sa marche en avant, marche meurtrière paralysée par la mauvaise configuration du terrain ; elle cheminait ainsi que la cavalerie laissée en arrière-garde par un labyrinthe de couloirs et de chemins à travers les rochers et les bois.
Après huit heures de cette marche pénible ayant à répondre aux coups répétés d'un ennemi dix fois plus nombreux qu'elle et après avoir franchi 10 km seulement la colonne crut pouvoir prendre un repos mérité au Bordj d'El-Kherroub. Elle n'était plus que de 1.200 hommes, ce n'est que grâce à l'endurance et au sang-froid des troupes que l'ennemi fut toujours tenu en échec.
Le général ne se doutait pas alors du coup terrible que nos armes venaient de porter à l'insurrection : le bach-agha Mokrani était mort.
Vers une heure de l'après-midi, au plus chaud de l'action, on avait bien aperçu un grand mouvement parmi les masses ennemies éparpillées sur les tentes qui dominent l'Oued Soufflat. Voici ce qui venait d'arrivait, d'après le Journal Officiel de cette époque qui relate ces évènements :
"Sur la rive gauche de l'Oued Souffiat et à trois kilomètres environ du Bordj d'El-Kherroub, existe un mamelon de très difficile accès qui surplombe de cent mètres le lit du fleuve.
Le bach-agha Mokrani, pour mieux se rendre compte de la position de nos troupes, avait gravi à cheval ce mamelon, suivi de quelques fidèles. Arrivé au faîte, il mit pied à terre pour être moins en butte aux coups de feu de nos tireurs.
En face, à 700 mètres sur la Koudiat El Mesdour se trouvaient deux compagnies du 4° Zouaves, qui effectuaient des tirs de peloton sur un parti de rebelles ; tout à coup, Mokrani se prosterne la face contre terre, comme tout bon musulman, il tombe en prononçant la fameuse profession de foi : LA ILAH ILA ALLAH, Dieu est Dieu et Mohamed son prophète. Il avait le front percé d'une balle ; ses fidèles crurent un instant qu'il priait mais furent vite édifiés sur son sort ; son corps fut enlevé et fut inhumé dans la sépulture de sa famille à la Kalaâ des Beni-Abbès. Sa mort fut tenue cachée pendant deux jours ; la nouvelle enfin connue, ébranla la croyance des musulmans dans le succès de l'insurrection que l'on put désormais considérer comme vaincue".

Dans cette journée, il avait été tiré plus de cinquante mille cartouches et 6 ou 700 rebelles furent tués. De notre côté, nous eûmes 15 blessés et 2 tués.
Malheureusement l'insurrection n'était pas partout apaisée. La journée du lendemain 6 fut occupée à razzier et à brûler les tribus et villages des Ouled Sidi Salem, le reste de la journée à un repos bien gagné.
La route d'Alger à Aumale fut mise sous la protection des Caïds, et les militaires reprirent peu à peu. Jusqu'au 14, les opérations se continuèrent.
Le général Cérés, après avoir soumis les tribus environnant Palestro et reçu les otages se mit en route vers Aumale, le 14 mai à 5 heures du matin et arriva après de nombreuses fatigues au camp des Frênes, le 15 à 10 heures et demi, accompagné de quelques colons de Palestro qui avaient échappé au massacre et que leurs camarades venaient embrasser.
La colonne Lallemand rentrait à Aumale, le 16 mai sans incident, et après avoir pris du repos, continuait ses opérations.
Les évènements autour d'Aumale étant presque terminés, je ne suivrai pas dans leurs évolutions les colonnes Cérés. Lallemand. Trumelet, Fourchault.
La colonne du général Lallemand arriva à Alger le 2 août, avec un effectif de 2.200 hommes, 115 officiers, 50 chevaux et s'embarqua pour la France.
La colonne du lieutenant-colonel Trumelet vint la remplacer à Aumale, raccompagnant à Bou-Sâada un fort convoi de vivres et de munitions, composé de 900 chameaux et de 500 mulets. Cette colonne fut fondue dans celle du général Cérés arrivé à Aumale le 20 août. Quelques-uns de ses éléments regagnèrent leurs garnisons, le général Cérés fut maintenu à Aumale comme commandant les troupes et le lieutenant- colonel Trumelet comme commandant des garnisons d'Aumale et de Beni-Mançour.
La subdivision d'Aumale était à peu près pacifiée dans la première quinzaine d'octobre.
Par arrêté du 7 septembre 1871, la levée de l'état de siège était ordonnée pour toute l'Algérie.
Le 24 octobre, la subdivision d'Aumale était supprimée et relevait directement de celle d'Alger.
Le 19 février 1874, la partie occidentale du cercle de Bou-Sâada, qui faisait partie de la subdivision de Sétif, fut rattachée à celle d'Aumale.
Le 13 mars 1875, la circonscription militaire était érigée en subdivision et le 31 juillet 1887, elle était supprimée par décret et rattachée à celle de Médéa.
Quant aux fameux Ahmed El Mokrani, Bou-Mezrag, il fut fait prisonnier au combat de Rouissat. Jugé, condamné à mort le 26 mars 1875 par la cour d'assises de Constantine. Sa peine fut commuée en celle des travaux forcés à perpétuité, et il fut dirigé sur la Nouvelle Calédonie. Gracié en 1882 par mesure de reconnaissance pour la part active qu'il prenait en combattant avec les troupes françaises les Canaques révoltés dans l'île, obtenait enfin, en 1904, 1'autorisation de revoir le sol natal. Vieilli et fatigué, il mourait le 1l juillet 1905 à Orléansville, au sein de sa famille où il s'était retiré. Son corps repose au cimetière musulman du Hamma (Alger) à flanc de montagne et non loin de la fameuse grotte de Cervantes dans la Koubba de Sidi Abderrahmane Bou-Kobrin.
Après la soumission des tribus insurgées, celles d'Aumale, payèrent à elles seules, comme contributions de guerre, 668.000 francs, et avec celles de l'annexe des Béni-Mançour 1.230.000 francs.
L'ensemble des impositions de guerre pour l'insurrection a donné pour toute l'Algérie, un total de 8 millions en espèces, et 43 millions pour le rachat des terres confisquées.
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