A
l'école
Le besoin d'un établissement
scolaire nécessité par le développement du village
et de l'accroissement de sa jeune population devenant impérieux.
Le Conseil Général du département d'Alger avait, dès
1936 pris conscience de cette nécessité et de l'importance
de la population en âge scolaire (82 enfants), et, le 12 mai, émettait
le voeu"que soit créée, le plus tôt possible, dans
la commune de Dély-Ibrahim, au lieu-dit "Air de France",
une école mixte à deux classes"
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Voeu
du Conseil Général paru dans l'Écho d'Alger du
14 mai 1936 |
La crise de 1936 ne
permit pas la réalisation rapide de ce projet malgré la volonté
de Monsieur Jamot, maire de Dély-Ibrahim, qui rappela ce projet dans
son discours, en présence du sénateur Duroux et du préfet
Bourrat, lors de l'inauguration du nouveau bureau de postes de Dély-Ibrahim.
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Extrait
du discours de M. Jamot, maire de Dély Ibrahim, le 17 janvier
1937
(Écho d'Alger du 18 janvier 1937) |
Une
"petite école" mixte à classe unique fut néanmoins
rapidement installée dans un local situé à l'emplacement
de l'hôtel "La Comète" des Benhaïm et un poste
d'enseignant fut ouvert à la rentrée d'octobre 1937 mais pourvu
avec quelque retard, le poste n'ayant été ouvert qu'au 26
octobre.
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Annonce
de l'ouverture du poste d'enseignant à l'école mixte
d'application à classe unique d'Air de France (Écho
d'Alger du 3 octobre 1937) |
Mais cette école
s'était rapidement révélée insuffisante et lors
de la rentrée d'octobre 1938, les élèves fréquentant
déjà l'école furent réinscrits avant que l'inscription
de nouveaux élèves soit rendue possible en fonction des places
restantes.
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Avis
pour la réinscription des anciens élèves et l'inscription
des nouveaux élèves
(Écho d'Alger du 13 septembre 1938) |
Il est donc très
vraisemblable que quelques enfants aient pu être scolarisés
et avoir accès à l'enseignement donné sous la direction
de Mr Chas, à l'école annexe de l'École Normale d'Instituteurs.
Photos
de classe de l'ancienne "petite" école
cliquez sur les photos pour les agrandir |
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Classe
de Mr Chas |
Les élèves
de cette "petite école" reçurent donc successivement
l'enseignement de Monsieur Pons, Madame Letourneux, Mademoiselle Achat et
de Monsieur Chabanne avant la prise de poste, à la rentrée
d'octobre 1942, de Monsieur Détrez en provenance du département
du Nord.
Quelques photos de classe, datant probablement des années 1943 à
1947, que Viviane nous a confiées, sont les rares témoins
de cette époque.
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Quand il faisait beau,
les élèves se rendaient à pied dans les jardins de
certains parents, le samedi après-midi pour s'initier à la
culture des fruits et légumes avec leur maître qui, eux, n'avaient
pas de jardin, logés qu'ils étaient dans des appartements
de fonction. Et Madame Chandelier était chargée de cette pratique
qui consistait à apprendre (aux filles uniquement ?) des points de
couture, à faire des boutonnières, des festons et des ourlets
et à exécuter des tissages et des broderies. Toutes ces réalisations
étaient ensuite fixées sur des pages de couleur sombre dans
un petit cahier de couture.
Les élèves apprenaient aussi des comptines et des chansons
du terroir régional de France, avec leur maître respectif,
du genre : "A la claire fontaine", "Frère Jacques",
"La Saint Hubert", "Le cor de Roland", "Les chants
de Noël", "Les trois souris". Et, 3 ou 4 fois par an,
Monsieur Détrez emmenait, à pied à l'École Normale
de Bouzaréah, les élèves de la "petite école"
pour chanter devant les élèves-instituteurs, tous réunis
dans une sorte d'auditorium, afin de les former à leur futur enseignement
dans la direction d'une chorale. C'est probablement à une de ces
occasions que fut prise la photo ci-dessous.
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A
l'école annexe de l'école Normale, Mr Détrez
et ses élèves |
Cette insuffisance de
classes publiques amena sans doute Madame Marie Bachelier à prendre
l'initiative d'implanter une école primaire privée mixte à
Air de France, fut autorisée le 20 octobre 1942 par l'Inspecteur
d'Académie d'Alger.
Document
en date du 20 octobre 1942 par lequel "Madame Marie Bachelier
est autorisée à ouvrir une école primaire privée
mixte à Air de France (centre dans lequel il n'existe pas d'école
spéciale de filles)"
cliquez sur le document pour l'agrandir |
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Enfin, le 1er
octobre 1948, l'école primaire mixte d'application d'Air de France
ouvrit ses portes dans un édifice tout neuf, remplaçant avantageusement
la "petite école" publique dont les locaux étaient
devenus vraiment trop exigus pour accueillir tous les jeunes élèves
du village, avides de savoir et de connaissances.
Les travaux de
la nouvelle école étaient à peine terminés et,
les premiers jours de cette première rentrée des classes,
les élèves durent passer sur une passerelle de trois madriers
pour franchir les quelques cinq ou six marches qui menaient de la rue au
préau et à la cour de récréation, l'escalier
étant encore en cours de finition.
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Echo
d'Alger du 6 novembre 1948 |
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Echo
d'Alger du 24 septembre 1948 |
Autant qu'il m'en souvienne,
il n'y avait que trois (ou peut-être quatre) classes ouvertes la première
année.
Mais très rapidement, une puis deux nouvelles classes supplémentaires
furent construites, réduisant d'autant l'espace initialement réservé
au préau.
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Ouverture
de la 5ème classe en 1949
(Echo d'Alger du 15 octobre 1949) |
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Nommination
de Mme VERGNES institutrice pour la 5ème classe
(Echo d'Alger du 19 octobre 1949) |
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Nommination
de Mme BUSTON et de M. DARTHOU et ouverture de la 6ème classe
(Echo d'Alger du 10 octobre 1950) |
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Vue
depuis la rue du Vivarais |
Les
classes (à g.) et le préau (à dr.) |
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Le
préau |
Les
douches et les lavabos |
Cliquez
sur les photos pour les agrandir |
Les salles de classe,
destinées à accueillir des effectifs pléthoriques de
42 à 48 élèves, étaient numérotées
: la 1ère classe, au fond, celle de Monsieur DÉTREZ, le directeur,
avec 4 divisions d'une douzaine d'élèves (CP, CE1, CE2 et
CM1), puis la 2ème classe, celle de Monsieur TRAMA à deux
divisions (CM2, pour ceux qui se présentaient à l'examen d'entrée
en 6ème et Fin d'Études pour ceux qui allaient se présenter
au Certificat d'Essuies Primaires, la scolarité n'étant alors
obligatoire que jusqu'à 14 ans !), puis la 3ème classe, celle
de Monsieur ASTIER pour les CP et peut-être les CE1.
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Monsieur
DETREZ |
Madame OLIVE, dont le
patronyme évocateur déclenchait toujours gloussements et fous
rires irrespecteux, avait, au début, en charge la 4ème classe,
située immédiatement à droite de l'entrée de
l'école. Mais il semblerait qu'elle ne resta en poste qu'une partie
de l'année scolaire et qu'elle fut remplacée par Madame CHANDELIER
au début de l'année scolaire 1948-49
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Affectation
de Madame CHANDELIER à l'Ecole d'application d'Air de France
(Echo d'Alger du 7 décembre 1948) |
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Arrivée
de Mademoiselle SAILLEN et de Messieurs LEROY et LEO,
nouveaux maîtres affectés à l'Ecole d'application
d'Air de France
et réussite à l'examen de 6ème de Jean-Luc Foret
et Marc Nadal
(Echo d'Alger du 11 octobre 1951) |
Puis ce fut Madame SAILLEN,
qui habitait tout au bout de notre rue (dénommée plus tard,
rue du Bourbonnais),
qui occupa cette classe et eut mon frère parmi ses élèves,
et plus tard Monsieur CHILLAUD.
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Monsieur
CHILLAUD |
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AIR-DE-FRANCE
RENTREE.
- Le directeur de l'école d'application fait connaître
qu'iI inscrira samedi 29 septembre de 9 heures
à 11 heures, les élèves désirant frèquenter
le cours préparatoire ou la classe d'initiation de son établissement.
Les nouveaux élèves des autres cours ne pourront être
admis que le lundi 1er octobre dans la limite des places
disponibles
Echo
d'Alger du 26 octobre 1951
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AIR-DE-FRANCE
ÉCOLE
DAPPLICATION. - M. le directeur de l'École dapplication
fait connaître qu'il ne procède à l'inscription
des nouveaux élèves de la commune de Dély-Ibrahim
que le mardi, de
16 heures à 16 h. 30.
Un cours de vacances souvrira de juillet à septembre
pour tous les cours.
Renseignements et inscriptions le mardi de 16 heures à 19
h. 30 auprès de M. le Directeur de l'École dApplication.
Echo
d'Alger du 4 juillet 1952
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Les premiers instituteurs
avaient leur logement de fonction au premier étage de l'école
: Monsieur TRAMA, au-dessus des 1ère et 2ème classes, Monsieur
DÉTREZ, au-dessus des 3ème et 4ème classes et Monsieur
ASTIER, au-dessus du préau.
Les classes avaient lieu de 8 h à 11 h et de 13 h à 16 h,
les lundi, mardi, mercredi, vendredi et samedi, le jour de congé
étant, à l'époque, le jeudi. Le soir, une étude
(payante) de 16 h 15 à 17 h permettait de faire les devoirs pour
le lendemain, mais en l'absence de devoirs, le maître (on ne disait
pas "l'instit'", à l'époque) trouvait toujours des
exercices pour nous occuper : problèmes, opérations arithmétiques,
dictées et, toujours, à partir du modèle calligraphié
à la craie sur le tableau noir ligné "Sieyès",
ces pages d'écriture, avec pleins et déliés, réalisées
à la plume "Sergent-Major" et à l'encre violette
qui tachait les doigts et parfois même les cahiers.
Il n'y avait bien entendu pas de cantine scolaire et pas de transports scolaires
pour les élèves dui habitaient loin de l'école, comme
au lotissement Baranès ou au lotissement Pascal. Ils devaient faire
les trajets à pied et traverser la route de Bouzaréah avec
tous les risques résultant d'une circulation certes encore restreinte
mais toujours dangereuse et génératrice d'accidents dont celui
dont fut victime Monique Lefébure, quelques jours avant Noël
1948.
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Victime
de son imprudence
une fillette est grièvement blessé
par une auto
Bouzaréa.
- Lundi vers 11 h., la petite. Monique Lefébure, âgée
dë six ans, sortait de lécole. Mais profitant
de labsence de sa mère qui sétait arrêtée
chez un commerçant, elle traversait imprudemment la route
nationale sans prendre garde à une auto qui arrivait.
La fillette fut renversée et grièvement blessée
Elle a été transportée à lhôpital
de Mustapha.
Echo
d'Alger du 22 décembre 1948
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Ce ne fut hélas
pas le seul accident sur cette route de tous les dangers, où la vitesse
n'était pas limitée dans la travervée de l'aglommération
et sur laquelle il n'y avait aucun passage piéton "clouté"
et, a fortiori pas le moindre feu tricolore susceptible de ralentir toutes
sortes de véhicules motos, automobiles, camionnettes, camions, autocars
et trolleybus qui devaient faire face à l'imprudence et à
l'inconscience du danger pour les jeunes enfants et adolescents comme le
jeune Denis Devéza qui devait en subir les graves conséquences.
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AIR-DE-FRANCE
ACCIDENT.
- Les familles Torrès, Devéza, Olivès, déjà
bien éprouvées par le terrible incendie de leur
boulangerie, ont encore été victimes du malheur
qui sacharne particulièrement sur eux. Le
jeune Denis Devéza qui traversait la route, a été
atteint par le trolleybus montant dAlger à Bouzaréa.
Grièvement blessé, lenfant a été
transporté à la clinique où une amputation
a été jugée nécessaire.
Toute la population dAir-de-France prend part à ce
nouveau coup du sort et les témoignages damitié
affluent auprès de ces familles si cruellement meurtries.
Echo
d'Alger du 16 décembre 1953
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Mais revenons à
la vie de l'école.
Lors des récréations,
pendant lesquelles les jeux de ballons étant bien évidemment
interdits, garçons et filles organisaient la plupart du temps leurs
jeux de façon séparée, sans mélange des sexes.
Les garçons jouaient à "tu l'as", ou, lorsqu'on
avait eu le temps de s'organiser en deux camps, de forces à peu près
équilibrées, à "délivrance". Selon
la saison, ils jouaient aussi aux noyaux (avec des noyaux d'abricots comme
décrit dans "jeux de garçons")
ou aux billes, à "touche-tout" ou au "rond" dans
lequel chaque joueur plaçait un même nombre de billes qu'il
fallait déloger. Pour ceux qui avaient la chance d'avoir une toupie
de bois (dont ils avaient eu soin au préalable de remplacer la pointe
d'origine par un clou très acéré), ils la lançaient
au moyen d'une cordelette pour la faire tourner le plus longtemps possible.
Les filles sautaient à la corde soit seules si la corde était
petite, soit à plusieurs, deux gamines faisant tourner une grande
corde alors que les autres "entraient" pour sauter avant qu'il
soit décider de faire "vinaigre" c'est à dire de
faire tourner la corde le plus vite possible. Elles pouvaient aussi pousser
en sautillant à cloche-pied, un palet, en fait une vieille boite
de pastilles "Valda" remplie de terre, sur une marelle à
six cases dessinée à la craie sur le sol de la cour ou sur
une marelle en forme de croix de Lorraine partant de "la terre"
pour atteindre "le paradis" en évitant "l'enfer".
Mais tous, garçons ou filles, devaient bien faire attention au redouté
signal de fin de la récréation.
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Christian
Nada, Alain Ordinez, Jean Suréda et X dans la cour de l'école.
Passez la flèche sur les visages,
si elle se transforme en petite main, vous pourrez découvrir
le nom des élèves qui ont pu être identifiés.
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Car le directeur avait
imposé une discipline très stricte qui s'exerçait par
le truchement du sifflet qu'il tenait au bout d'une chaîne. Un premier
long coup de sifflet nous imposait de nous arrêter immédiatement
dans la position où nous étions, cessant tout mouvement. Lorsqu'il
avait constaté que tous les élèves étaient immobiles,
le directeur donnait alors un second coup de sifflet, plus court, auquel
nous devions répondre en nous dirigeant calmement, sans précipitation,
vers la porte de nos classes respectives en nous alignant, deux par deux,
le long du mur. Alors seulement, après le rituel "entrez",
nous étions fermement invités à gagner nos bancs et
nos pupitres. Là, nous étions tenus de rester debout dans
l'allée, attendant que le maître qui entrait toujours le dernier
nous autorise à nous asseoir à notre place. Gare à
celui ou celle qui ne respectait pas cet ordonnancement ! La chaîne
du sifflet enroulée autour de la main du maître se déroulait
immédiatement et le corps du sifflet, accéléré
par la force centrifuge, venait frapper le dos, les épaules ou le
bras de celui qui avait dérogé à cette discipline.
Viviane Détrez, la fille du directeur, nous a confié qu'elle
conserve encore, sur une étagère de sa bibliothèque,
ce fameux sifflet qui a donné tant de sueurs froides à certains.
Dans la classe du directeur, où cohabitaient donc quatre divisions,
la place de chacun était en réalité à géométrie
variable car elle dépendait du classement mensuel de chacun : les
deux places du fond de chaque division étaient occupées par
le premier et le deuxième de la division, devant eux, les troisième
et quatrième et ainsi jusqu'aux deux places devant l'estrade qui
étaient réservées au dernier et à l'avant-dernier.
Ces places étaient donc remises en cause tous les mois.
Les trois premiers de chaque division avaient des obligations, voire des
prérogatives.
Celui qui avait été classé troisième devait,
avant la classe, ouvrir les épais rideaux marron qui masquaient les
fenêtres. Le deuxième avait la lourde responsabilité
de remplir d'une encre violette, contenue dans une grande bouteille, tous
les encriers de porcelaine blanche inclus dans les pupitres de sa division.
C'était la tâche la plus ingrate, mais aucun n'aurait voulu
y déroger (le maître l'aurait-il d'ailleurs toléré
?), car les débordements n'étaient pas inhabituels et on reconnaissait
tout naturellement celui qui assumait cette charge à la délicieuse
coloration violette de ses doigts (quand ce n'était pas ses mains
ou même son sarrau ou sa blouse) que des astiquages énergiques
à la pierre ponce ne parvenaient, au mieux, qu'à atténuer.
Enfin le premier de chaque division avait l'insigne honneur de surveiller
sa division pendant les absences, brèves ou plus durables, du maître.
La responsabilité suprême revenait au premier de la division
des plus grands, le CM1, qui avait une prééminence sur les
premiers des divisions inférieures. Ces responsables avaient à
rendre compte au maître, des incartades et des manquements à
la discipline survenus en son absence. Inutile de préciser qu'il
était plus que souhaitable d'entretenir d'excellentes relations de
camaraderie avec le premier de la division !
La journée commençait invariablement par la leçon de
morale dont le thème écrit préalablement sur le tableau,
n'était pas effacé de la journée. Puis c'était
la lecture (sur le livre "Jeannot et Jeannette"), le calcul (tables
de multiplication
, Prix de Vente = Prix de Revient + Bénéfice
,
surface cultivable d'un terrain rectangulaire entouré d'allées
),
la grammaire (analyse grammaticale et analyse logique
, conjugaisons
),
la dictée, l'histoire "événementielle" avec
ses héros exemplaires (et les héroïnes Jeanne Hachette
et Jeanne d'Arc
, les jeunes Bara
et Viala
, les chevaliers
Bayard
et Du Guesclin
), la géographie, les sciences naturelles
(l'air est pesant
, l'eau est un liquide incolore, inodore et sans
saveur
, l'homme est un animal de l'embranchement des vertébrés
et de l'ordre des mammifères
). Et chaque jour, un "cahier
de roulement" confié à tour de rôle à chacun
des élèves de chaque division, devait témoigner de
la petite histoire de la classe. Ce journal de la classe requérait
donc le plus grand soin de celui qui en avait la charge pour la journée
et qui se devait d'éviter les ratures et les malencontreux pâtés
d'encre violette que ni la gomme spéciale (qui finissait par faire
des trous dans le papier) ni le Corrector (qui effaçait aussi les
quadrillages et fragilisait la feuille) ne parvenaient vraiment à
estomper.
Parfois,
par ennui, par lassitude ou par désintérêt, certains
élèves ayant un moment d'absence, s'endormaient en classe
(et pourtant, il n'y avait pas encore la télévision qui aurait
pu nous empêcher d'avoir des nuits complètes de sommeil !).
Malheur à celui qui succombait à ce besoin ! Viviane Détrez
se souvient très bien de la punition immédiate qui sanctionnait
de trois tours de cour, en courant, ce manquement grave à la discipline.
Et, bien entendu, les autres élèves de la classe, et même
ceux des autres classes ne manquaient pas de se moquer de l'endormi, à
sa plus grande honte
Outre le quotidien des cours magistraux, le maître nous emmenait à
l'occasion en promenade pour l'après-midi. Grâce à ses
relations privilégiées avec un adjudant de gendarmerie, jovial
et d'un embonpoint respectable, qui, au chenil de Béni-Messous,
avait la charge de l'hébergement et de l'apprentissage des chiens
"policiers" de la Gendarmerie Nationale, nous avions, une ou deux
fois par an, le privilège d'assister à une démonstration
d'exercice de ces bergers allemands : parcours d'obstacle, recherche de
pistes, simulation d'attaques du maître-chien par un collègue
déguisé en malandrin mais protégé par un caparaçon
d'épais tissu matelassé dans lequel les canines du molosse
laissaient des traces visibles. Inutile de dire la forte impression que
laissaient, aux bambins que nous étions, ces spectacles, à
une époque où les représentants de la force publique
étaient considérés par tous avec un respect mêlé
de crainte.
Parfois, par une belle journée de la saison des pluies,
ces promenades nous menaient, au-delà du chenil de la gendarmerie,
sur la route de l'hôpital, à un endroit où Monsieur
DÉTREZ avait repéré un gisement d'argile, de terre
glaise comme nous disions. Nous amenions alors une ou deux petites lessiveuses
en tôle étamée dans lesquelles nous rapportions à
l'école quelques kilogrammes de cette terre glaise, rendue malléable
par l'humidité de récentes précipitations. Au retour,
cette matière était précieusement entreposée
dans un petit local de l'école et servait modeler des cartes de géographie
en relief, avec montagnes et vallées, falaise et rivages sablonneux,
sur lesquels on râpait de la craie de couleur bleue, pour les mers
et les cours d'eau, verte pour les forêts, jaune pour le sable. Il
y avait parmi les élèves du CM2, un spécialiste de
ces modelages, un dénommé Sid-Ali qui organisait le trempage
de l'argile, le façonnage du relief et du littoral et qui se réservait
le droit de râper la craie sur la carte de la région ainsi
réalisée. Inutile de préciser, qu'au sortir de cet
exercice nous étions d'une saleté repoussante, faite d'un
mélange de terre et de craie. Aussi, lorsqu'une telle activité
était prévue, le maître ne manquait pas de nous en avertir
afin que nos parents nous vêtissent de tabliers, blouses ou sarraus
usagés et qui ne risquaient rien. C'était, je crois, un excellent
moyen de nous faire apprendre la géographie de cette France que nous
ne connaissions que par les grandes cartes cartonnées de la Librairie
Colin ou de Vidal & Lablache, accrochées aux murs des classes
et dont nul ne pouvait alors imaginer que nous y débarquerions, quelques
années plus tard, chassés par le "vent de l'histoire"
et par la malhonnêteté intellectuelle et le machiavélisme
des hommes politiques de tous bords. Mais ceci est une autre histoire
Pour nos activités d'éveil, il nous était accordé
certains après midis de jouer à des jeux à forte charge
pédagogique comme le "Loto de l'Histoire" où, à
l'annonce de la date inscrite sur un petit carton, nous devions, si cette
date figurait sur notre carte individuelle de jeu, donner la réponse
qui correspondait à cette date historique. C'était aussi un
moyen ludique de nous faire apprendre ou réviser notre Histoire de
France et cela fonctionnait bien car, après quelques parties, il
n'était pas rare que certains donnent, de mémoire, la réponse
alors qu'elle ne figurait pas sur leur carte personnelle : bien sûr
les traditionnels "1515 ?", "Bataille de Marignan",
"1610 ?", "Assassinat d'Henri IV par Ravaillac" et "800
?", "Couronnement de l'Empereur Charlemagne", mais aussi
les moins évidents "18 octobre 1685 ?", "Révocation
de l'Édit de Nantes", "27 juillet 1214 ?", "Bataille
de Bouvines" pour ne pas parler du "1559 ?", "Paix de
Cateau-Cambrésis". Mais, là encore, c'était l'histoire
de la France qui nous était enseignée, pas celle de l'Algérie
où nous vivions et où nos familles étaient, pour certaines,
établies depuis 4 ou 5 générations.
Et tout cela nous amenait à passer avec succès les examensd'entrée
en 6ème ou à obtenir le Certificat d'Etudes Primaires.
Les
succès aux examens |
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Certificat d'Etudes Primaires 1949
succès de François Pérez, Mohamed Laïchaoui
et Gabrielle Poisot
Echo d'Alger du 2 juin 1949 |
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Examen
d'entrée en Sixième 1949
Succès de Irène Lellouche, Gabrielle Sendra et Denise
Rodriguez
(Echo d'Alger du 17 juin 1949) |
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Succès
de Jacqueline Trigano au Concours d'entrée au cours
professionnel de couture, coupe et art ménager 1949
(Echo d'Alger du 3 juillet 1949) |
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Examen
d'entrée en Sixième 1950
Succès de Danièle Détrez et Claude Fougerousse
(Echo d'Alger du 13 octobre 1950) |
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Coupure
(une relique !) du "Journal d'Alger" de juin ou juillet
1952, consacrée aux élèves de l'école
mixte d'application d'Air de France reçus au Certificat d"Études,
au Concours d'entrée en 6ème et aux Brevets Sportifs
Populaire et Scolaire. Certains de la liste des "retrouvés"
y verront peut-être leur nom ou celui d'un frère ou d'une
sur ou d'un copain.
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Facture pour
un portique et 6 crochets
(vraisemblablement destinés à être installés
dans la cour de l'école) en date du 10 décembre 1959
(merci à Bernard Venis)
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La
Caisse des Ecoles |
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AIR-DE-FRANCE
CAISSE DES
ÉCOLES. - Lassemblée générale
du 2 décembre a procédé au renouvellement du
bureau.
Ont été élus à lunanimité
:
Président : M. Casanova, maire ; vice-présidents
: Tabet et Santini ; trésorier : Détrez ; secrétaire
: Mme Delucinge ; adjointe : Mme Détrez ; assesseurs
: Mme Boyer, MM. Nadal, Vitiello, Galouze ; conseillers :
Mme Sefariello et Forêt, MM. Espitalier, Laïchaoui, Elie,
Milandre et Roubas.
(Echo d'Alger
du 14 décember 1950)
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